Le Parfum D'Adam

j’hésitais à m’abandonner à ce qui me paraissait surtout
être ma dernière chance. J’ai trouvé en vous plus qu’un
soutien : une humanité qui m’avait longtemps fait défaut.
Vous aviez pourtant toutes les raisons de me haïr. Je
m’étais rendue complice de projets qui me paraissent
aujourd’hui encore plus monstrueux que j’avais pu le
craindre.
Après leur intervention dans la favela, les militaires m’ont
conduite dans un hôpital où je suis restée quinze jours sous
bonne garde. Les médecins ont été aimables et, je crois,
efficaces. Ils m’ont aidée à prendre conscience de ce qu’ils
appellent des troubles cycliques de l’humeur, terme qui les
rassure et leur évite de se pencher sur les causes
profondes de mes actes. Mais après tout, ce n’est pas leur
affaire. Ils m’ont stabilisée avec un traitement que je prends
religieusement chaque jour. Comme il est habituel, paraît-il,
dans ce genre de maladie, la guérison produit une
curieuse impression de vide. Je n’éprouve plus les
profondes crises d’angoisse et de tristesse qui me
poussaient autrefois à vouloir en finir avec la vie. Mais j’ai
perdu aussi cette exaltation qui, à d’autres moments,
projetait sur la réalité un voile brillant et me faisait éprouver
toute sensation avec une intensité impossible à décrire.
Cette joie sans cause, qui montait du plus profond de moi,
se répandait à un tel point tout autour d’elle qu’elle
parvenait à dissoudre les aspérités du monde, à le rendre
lisse, léger, merveilleux. Aujourd’hui, je vois toute chose,
les bonnes comme les mauvaises, avec une netteté un peu