Le Parfum D'Adam

Harrow émit un grognement et secoua la tête, sans
qu’on sache bien s’il acquiesçait ou non. Juliette n’osa pas
insister. Il se recula et s’allongea en arrière, les bras
appuyés sur le sol. Il regardait le ciel noir où ne manquait
aucune étoile.
— Je n’ai vu aucun Indien depuis qu’on est parti,
hasarda Juliette.
— On en a sûrement croisé, mais ils ne se sont pas
montrés. Sur le territoire où ils vivent, ils ne se comportent
pas comme des maîtres. Ils ne transforment rien, n’abîment
rien. La terre les tolère, et ils la respectent. Jamais ils
n’oseraient se l’approprier, la découper en parcelles
comme une viande morte. La terre, pour eux, est vivante. Ils
ont conscience de faire partie d’un tout. Ce que l’on
apprend avec eux, c’est l’équilibre de toutes choses.
Ted parlait des Indiens, mais son propos le décrivait luimême.
C’était exactement l’impression qu’il faisait à
Juliette. Une force, mais qui se fondait aux autres forces,
un homme nourri du vent, de la terre et de l’espace.
— Mais de quoi peuvent-ils vivre, par ici ?
— Jamais un Indien ne se poserait cette question,
rétorqua vivement Harrow. Pour eux, la nature pourvoit à
tout en abondance. C’est la civilisation des Blancs qui a
créé le manque.
Malgré le ton cassant de son interlocuteur, Juliette était
heureuse que s’engage enfin une conversation. Et elle
persista à lui tenir tête.