Le Parfum D'Adam

— Mon métier, ce sont les filatures, dit-elle en riant. Ce
gros balourd de Lawrence peut toujours s’accrocher pour
suivre ma trace !
Deux minutes plus tard, ils entendirent tinter sourdement
à l’étage en dessous le grelot chinois du magasin. Des pas
résonnèrent dans l’escalier et ils virent arriver Paul habillé
d’un ciré, coiffé d’un bonnet de jersey à rayures, une barbe
noire de trois jours lui mangeant les joues, les yeux
dissimulés par des lunettes de soleil carrées : un client
typique de Somerset et qui ne risquait pas d’attirer
l’attention.
Dans le quart d’heure qui suivit arriva Tara. Elle était
entrée dans un grand magasin de Newport et en était
ressortie discrètement par une autre issue pour semer
d’éventuels poursuivants. Enfin, à la grande surprise de
Paul, avec une dizaine de minutes de retard qui fit peser un
lourd silence sur le groupe, apparut Alexander. Diplomate,
homme d’analyse, il n’avait pas reçu de véritable formation
à l’action secrète. Il était le maillon faible du dispositif, le
plus susceptible de se faire repérer par le service de
sécurité de Lawrence. Mais Martha l’avait pris en main la
veille au soir. Le petit scénario qu’elle avait monté pour lui
(une visite chez sa mère malade, un départ matinal en
voiture, plusieurs demi-tours et contrôles d’une éventuelle
filature sur des routes désertes, un changement de
vêtement sur un parking et finalement son arrivée en
touriste sur les quais de Newport) avait parfaitement
fonctionné. Personne ne l’avait suivi.