Le Parfum D'Adam

L’idée de quitter l’armée leur vint ensemble mais pour
des raisons différentes. Paul ne se voyait pas d’avenir
dans la répétition de ces missions excitantes mais qui
laissaient, en se terminant, une impression de vide. Cette
vie lui semblait une agitation dérisoire et stérile, un
divertissement au sens pascalien, qui l’éloignait de
l’essentiel. Il lisait beaucoup à cette époque et mettait à
profit les longues périodes de désœuvrement que leur
laissait le commandement entre deux opérations. Il avait
l’occasion de considérer plus attentivement les raisons qui
l’avaient poussé à entrer dans l’armée. La fidélité à
l’engagement et au sacrifice de son père était
incontestablement le premier sinon le seul motif qui l’avait
conduit à s’engager. Mais ce qu’il avait longtemps
considéré comme une audace apparaissait de plus en plus
comme une lâcheté et une fuite devant des choix plus
personnels. À dix-huit ans, l’idée d’étudier la médecine, de
construire avec les autres une relation plus humaine, plus
durable, et plus profonde, l’avait habité pendant des mois.
Impulsivement, il avait mis fin à ces hésitations en se
réfugiant dans la facilité de l’armée. Il y repensa et se sentit
mûr pour reprendre cette réflexion là où il l’avait laissée. Il
était encore temps pour lui de revenir sur ses pas et de
s’engager sur la voie de la médecine qui l’attirait
profondément.
Kerry partageait les mêmes doutes, pour d’autres
raisons. Elle avait choisi l’action secrète par provocation et
par défaut, peut-être pour rester conforme à la réputation