Le Parfum D'Adam

qu’elle lui faisait du bien.
Maintenant, tandis qu’elle chevauchait dans le désert,
Juliette revenait sur cette version des faits. Même à ces
époques de dépression et de désespoir, elle n’aurait pas
adhéré à n’importe quel combat. Quelque chose de plus
profond l’avait séduite. Elle détestait les concepts
abstraits ; la politique suscitait en elle une indifférence
absolue. Si les thèses écologiques avaient fait exception,
c’était parce qu’elle recueillait un écho plus intime.
Et, en effet, ce que Greenworld prenait pour cible, c’était
exactement l’idéal bourgeois de ses parents. Son père, en
plus d’être égoïste et pervers, était un homme lancé dans
un combat sans merci non seulement contre ses
semblables mais contre la nature. Cette haine de la nature
avait laissé à Juliette de douloureux souvenirs. Elle se
rappelait par exemple ce terrain que ses parents avaient
acheté au-dessus d’Aix-en-Provence. Une petite maison y
était bâtie dans un coin et le reste était une merveilleuse
pinède. Tout un été, Juliette s’était promenée là. Elle s’était
adossée au tronc chaud des arbres, avait cherché les
cigales à quatre pattes sur le sol couvert d’aiguilles de pin
et d’écorce douce. Le deuxième été, d’énormes engins
jaunes arrachaient les souches coupées à ras du sol et les
grumes reposaient en tas dans un coin. Le père de Juliette
avait fait abattre la vieille maison pour construire une villa
neuve. Il avait vendu le reste du terrain pour édifier deux
immeubles en béton entourés de pelouses, ignoblement
dénommés « Résidence des pins ».