L'Etat en jeu - fasopo
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mobilisations 70 . Il apparaît <strong>en</strong> outre que l’analyse du fait étatique <strong>en</strong> Turquie s’appuie<br />
généralem<strong>en</strong>t sur les mêmes postulats que ceux développés par Tilly concernant les<br />
interactions <strong>en</strong>tre Etat et mobilisations.<br />
Dans l’<strong>en</strong>semble de ses travaux, Tilly t<strong>en</strong>d à faire de l’Etat un organe dont la<br />
structure 71 ori<strong>en</strong>te la composition des répertoires d’actions collectives 72 des groupes mobilisés<br />
et dont la fonction consiste <strong>en</strong> l’arbitrage <strong>en</strong>tre les rev<strong>en</strong>dications de ces derniers. Dans son<br />
livre From mobilization to revolution, il développe l’idée, qu’il n’abandonnera jamais<br />
totalem<strong>en</strong>t, d’un Etat tertius gaud<strong>en</strong>s (troisième larron) qui disposerait d’un pouvoir unique<br />
d’interv<strong>en</strong>tion sur les groupes mobilisés sur son territoire 73 . L’Etat se fait alors arbitre tout <strong>en</strong><br />
préservant les intérêts du groupe occupant ce que Tilly appelle la polity. Il est <strong>en</strong> quelque<br />
sorte considéré comme l’interlocuteur des groupes mobilisés 74 , et s’il <strong>en</strong>tre <strong>en</strong> interaction avec<br />
70 Tilly note que « le rapport évid<strong>en</strong>t de l’action collective et des grands processus qui transform<strong>en</strong>t la France<br />
montre assez qu’il est faux de traiter la “viol<strong>en</strong>ce”, la “résistance” ou le “désordre” comme un monde à part, un<br />
phénomène distinct de la haute politique, une simple réaction à la contrainte. C’est là que réside le principal<br />
<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t de l’action collective. Il ne s’agit pas d’un épiphénomène. Elle est directem<strong>en</strong>t et fermem<strong>en</strong>t liée<br />
aux questions du pouvoir ». Charles Tilly, La France conteste. De 1600 à nos jours, Paris, Fayard, coll. L’espace<br />
du politique, 1986, p. 560.<br />
71 Tilly fait de la c<strong>en</strong>tralisation étatique, et donc de celle des moy<strong>en</strong>s de contrainte, ainsi que de la nationalisation<br />
de la vie politique, les principaux facteurs de transformation de l’action collective : « la nationalisation de la<br />
politique qui a fini par résulter de cette même c<strong>en</strong>tralisation a créé de nouvelles occasions d’action autour des<br />
élections et institutions similaires. Elle a créé le « problème » de la de la mobilisation, et a donné aux<br />
organisateurs professionnels une chance sans précéd<strong>en</strong>t de le résoudre. Le mouvem<strong>en</strong>t social – le défis prolongé<br />
lancé aux structures existantes ou au pouvoir <strong>en</strong> exercice – a pris corps. Le répertoire <strong>en</strong>tier de l’action collective<br />
s’est transformé », Ibid., p. 107.<br />
72 Dans son livre La France conteste, Tilly définit comme suit le répertoire d’actions collectives : « différ<strong>en</strong>ts<br />
moy<strong>en</strong>s d’action compos<strong>en</strong>t un répertoire, un peu au s<strong>en</strong>s où on l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d dans le théâtre et la musique, mais qui<br />
ressemble plutôt à celui de la commedia dell’arte ou du jazz qu’à celui d’un <strong>en</strong>semble classique. On <strong>en</strong> connaît<br />
plus ou moins bi<strong>en</strong> les règles qu’on adapte au but poursuivi. Chaque représ<strong>en</strong>tation se joue <strong>en</strong>tre deux parties au<br />
moins – l’initiateur et l’objet de l’action –, auxquelles s’<strong>en</strong> ajoute souv<strong>en</strong>t une troisième ; même lorsqu’ils ne<br />
sont pas directem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> cause, les ag<strong>en</strong>ts de l’Etat, par exemple, pass<strong>en</strong>t une bonne partie de leur temps à<br />
contrôler, régler, faciliter et réprimer diverses sortes d’actions collectives. Le répertoire <strong>en</strong> usage dicte l’action<br />
collective. Malgré la spontanéité qu’on associe parfois à l’idée de foule, les g<strong>en</strong>s t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t à agir dans le cadre<br />
limité de ce qu’ils connaiss<strong>en</strong>t, à innover sur la base des formes existantes, et à ignorer toute une partie des<br />
possibilités qui leur sont <strong>en</strong> principe ouvertes. Cette limitation ne résulte pas seulem<strong>en</strong>t des avantages que<br />
prés<strong>en</strong>te l’habitude, mais aussi de l’importance qu’accord<strong>en</strong>t les deuxième et troisième parties aux formes<br />
consacrées de l’action collective ». Ibid., p. 541. Dans ce livre, il étudie notamm<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t, dans la France du<br />
XVI ème siècle à nos jours, « le développem<strong>en</strong>t du capitalisme et la formation de l’Etat […] influ<strong>en</strong>cé les<br />
modalités de l’action – et de l’inaction – collective des g<strong>en</strong>s du commun ». Plus loin, il note qu’ « il est […]<br />
vraisemblable que le répertoire existant à un mom<strong>en</strong>t donné soit le résultat des quelques grands facteurs : 1. Les<br />
habitudes et l’organisation interne de la population (exemple : la prise de grains dép<strong>en</strong>d de l’exist<strong>en</strong>ce de<br />
marchés périodiques et des ménages qui <strong>en</strong> sont tributaires). 2. Les principes dominants dans le domaine des<br />
droits et de la justice […]. 3. L’expéri<strong>en</strong>ce de la population <strong>en</strong> matière d’action collective […]. 4. Les pratiques<br />
de répression courantes (exemple : l’adoption de la réunion publique comme moy<strong>en</strong> de contestation dép<strong>en</strong>d de la<br />
vigueur avec laquelle les autorités combatt<strong>en</strong>t ce g<strong>en</strong>re de réunion) », Ibid., pp. 16, 57. Sur la notion de<br />
répertoire, voir égalem<strong>en</strong>t Tilly, Charles, « Les origines du répertoire de l’action collective contemporaine <strong>en</strong><br />
France et <strong>en</strong> Grande-Bretagne », Vingtième siècle. Revue d’histoire, vol. 4, n°1,1984, pp. 89-108.<br />
73 Tilly, Charles, From Mobilization to Revolution, op. cit.<br />
74 Selon Tilly, « the state became an interested participant in all collective viol<strong>en</strong>ce – as policem<strong>en</strong>, as party to<br />
the conflict, as tertius gaud<strong>en</strong>s », Ibid., p. 188.<br />
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