L'Etat en jeu - fasopo

l’extérieur. On a mis nos mains derrière la tête. Puis ils tirèrent. Mon fils Mehmet
Duran a été tué et nous avons été blessés » 1415 .
D’autres participants au rassemblement de l’avenue Uzunoluk décident de se diriger
vers le quartier de Serintepe, situé au Sud-Ouest de Yöruk Selim. Selon des témoins, des bus et
des minibus municipaux auraient acheminé jusqu’à ce quartier un grand nombre d’individus
venus des autres quartiers de la ville 1416 , qui une fois rassemblés sont appelés par quelques
idéalistes à passer à l’attaque : « tous ceux qui ont des armes, des couteaux, des tahra (sorte de
couteau), ne vous arrêtez pas, tuez et nettoyez notre pays des alévis », « Celui qui aime son
Dieu et son prophète, qu’il marche ! », « Tuez les alévis communistes ! », « Mort aux
alévis ! », « Ne laissez pas vivre les alévis ! Celui qui les tue ira au paradis ! », « Mort aux
communistes ! », « Les communistes à Moscou ! », « Longue vie à Türkeş ! » 1417 . Armés de
haches et de fusils, ils se séparent alors en plusieurs groupes et attaquent les habitants du
quartier et les maisons de la périphérie de Yörük Selim 1418 . Selon les témoignages de rescapés,
des actes de torture sont commis sur les individus attrapés, les corps des défunts sont
mutilés 1419 , dévisagés à coups de pierre 1420 . A Yeni Mahalle, un groupe tue un certain
Süleyman Metin et met le feu à son cadavre. Puis ses deux filles sont forcées à déambuler nues
dans les rues. La foule les entoure et crie « faisons disparaître leurs racines de Turquie !
Catins, prostituées ! Ecevit viendrait vous sauver s’il le pouvait ! Qu’est-ce qu’on peut faire
avec des alévies comme vous ? Communistes ! » 1421 .
Afin d’identifier les alévis, censés moins bien connaître le Coran, les assaillants exigent
des personnes qu’ils rencontrent de réciter un verset du Coran. Parfois il s’agit de réciter le
1415 Ibid., pp. 116-117.
1416 Ibid., p. 116.
1417 Ibid., p. 117.
1418 Murat Bozkurt, alévi habitant à Serintepe raconte : « Nous étions dans la maison de İmam Ergönül. Ils ont
entouré la maison et cassé ses fenêtres. Après cela, ils sont allés ailleurs. Mais quelques minutes plus tard, ils
revinrent. Ils ont attaqué la maison et essayé de percer le toit. Ils y ont fait passer des chiffons enflammés. Ils ont
jeté des explosifs. Le feu de développa dans la maison. Nous, femmes et enfants inclus, essayions de nos
protéger en hurlant ; Un autre groupe essaya de d’enfoncer la porte. […] Les attaquants gagnèrent l’entrée de la
maison. Ils commencèrent à nous frapper avec des outils tranchants comme des bâtons, des haches, des épées.
Nous étions couverts de notre propre sang. Ils nous insultaient. L’écho de nos appels nous entouraient […]Ils ont
tué İmam, Hüseyin et Güllü Ergönül, et Hacı Bektaş Bozkurt et Mahmut Ünal. Certains d’entre nous étaient
gravement blessés ». Ibid., pp. 117- 118.
1419 Dans un article paru dans Milliyet le 26 décembre, le journaliste note que les corps retrouvés portent souvent
des traces de mutilation et de torture : « Ölü sayısının 100’ün üstüne çıkacağı anlaşılıyor » (On s’accorde sur un
nombre de morts supérieur à 100), Milliyet, 26 décembre 1978, pp. 1, 9.
1420 Gürel Burak, Political Mobilization In Turkey in the 1970’s : The Case of the Kahramanmaraş Incidents, op.
cit., pp. 119.
1421 Ibid., pp. 120-121.
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