L'Etat en jeu - fasopo

une modification des règles des jeux politiques se caractérise également par la transformation
des modalités d’action politique et d’accès aux ressources, identifiable dans la façon dont les
illégalismes et l’usage irrégulier de la violence deviennent « des leviers d’accumulation de
ressources économiques et politiques, de contrôle social et territorial, in fine des instruments
d’exercice du pouvoir » 1456 .
La violence ne devient un mode d’action et d’accès aux ressources que dans des
configurations particulières de rapports de forces, faisant intervenir les positions des acteurs
dans les différentes arènes de l’action publique où ils sont mobilisés. Nous avons ainsi pu
montrer que le niveau de violence n’est jamais aussi élevé que lorsque le MHP dispose d’un
accès à la captation dans les institutions centrales de l’Etat mais que localement, ses sections
sont exclues des voies d’accès aux ressources publiques ou voient leurs possibilités de
captation remises en cause par un retournement de rapport de forces politiques. La
généralisation de la violence doit alors être analysée comme le signe d’une modification
généralisée des règles des jeux politiques, les acteurs politiques, étatiques et les populations
tendant à intégrer ce mode d’action à leurs stratégies d’accès aux ressources. L’intensification
et la généralisation de l’usage de la violence est d’ailleurs porteuse d’effets de rétroaction,
puisqu’elles fonctionnent comme des mécanismes surgénérateurs des activités de captation et
de la désobjectivation de l’Etat. A la fin de la décennie, mobilisations, captations et
violence deviennent les trois piliers de l’action politique des systèmes d’action idéalistes et
d’extrême gauche, mais aussi d’un nombre croissant d’acteurs, certains partis et groupes
modérés reproduisant ces pratiques afin de ne pas se retrouver hors-jeu.
L’armée prend le pouvoir le 12 septembre 1980, mais pour les acteurs sociaux,
l’intervention militaire ne fait plus de doute au moins depuis le début de l’année 1980. Tout se
passe comme si les deux systèmes d‘action avaient intégré cet horizon à leurs stratégies. Forts
de l’expérience des deux coups d’Etat qu’a connu le pays – le 17 mai 1960 et le 12 mars 1971
– idéalistes et groupes d’extrême gauche ne peuvent prévoir l’ampleur des bouleversements
que produira le coup du 12 septembre. Les premiers accentuent leurs activités de captation
afin de s’imposer comme « colonne vertébrale » du nouveau pouvoir qui naîtra de
l’intervention militaire, tandis que les seconds organisent leur militarisation afin de se doter
des moyens d’encadrer la révolution populaire qu’ils prévoient de soulever lors du coup. Les
1456 Ibid., pp. 12-13.
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