L'Etat en jeu - fasopo

l’organisation ; défendre un foyer, c’est se permettre de l’homogénéiser en hébergeant des
membres de l’organisation quand on ne parvient pas à contrôler les procédures réglementaires
de sélection des résidants. En outre, les groupes organisés localement et les sections des
organisations nationales, qui ne disposent bien souvent que de peu de ressources pour
rétribuer le militantisme de leurs membres, trouvent dans ces activités des moyens d’assurer
la cohésion du groupe. Ces épreuves affrontées en commun permettent ainsi l’intégration dans
le groupe.
Pour les militants, qui n’ont souvent accès à d’autres rétributions que sociales et
symboliques, l’engagement dans un militantisme intégrant la violence physique donne
l’occasion de participer concrètement à la révolution qui vient, de lutter contre le fascisme ou
de défendre le pays face au communisme. Les témoignages de nos enquêtés ainsi que la fierté
qu’ils nous ont dit avoir ressenti à lutter contre le fascisme ou le communisme donnent à
penser, ainsi que le notait Daniel Gaxie, que « le temps donné, les efforts consentis, les
sacrifices prodigués, le don de soi, les risques endurés et le renoncement aux plaisirs de la vie
« ordinaire », peuvent générer des sensations d’apaisement, de sérénité ou de plénitude, des
satisfactions morales, voire un sentiment de supériorité éthique » 1347 . La participation aux
activités de violence physique donne ainsi accès à la reconnaissance des pairs. Ainsi, dans les
GOE d’extrême gauche, l’individu est véritablement considéré comme militant une fois qu’il
a participé aux tours de garde autour du foyer ou aux frontières d’un « quartier libéré ». La
participation à cette violence quotidienne peut devenir une source de valorisation pour les
militants, qui attestent de leur engagement dans le groupe en se mettant physiquement en
danger pour sa cause. En outre, les actes de violence contextuelle possèdent un caractère
performatif, puisque c’est par leur mise en œuvre qu’est confirmé le danger que représente
l’autre camp pour le pays, ainsi que la nécessité de se maintenir dans le militantisme. La
violence fonctionne donc comme un mécanisme surgénérateur de loyauté au groupe, malgré
le faible niveau de rétributions économiques et politiques qu’offre le militantisme. En outre,
et comme l’a ressenti Haldun, cette pratique était également un moment de disciplinarisation
du militant :
« Si tu avais un quartier où il y avait cinq, six points, peut-être huit points où il fallait
tenir des gardes… Il y avait un système de garde. Les gens du quartier… Les
responsables sont du quartier, de là quoi, le mec il connaît tout le monde, mais, les
militants de, je ne sais pas, des lycéens, de l’université, venaient après leur école, le
1347 Gaxie, Daniel, « Rétributions du militantisme et paradoxes de l’action collective », Revue Suisse de Science
Politique, Vol. 11, n°1, p. 162.
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