L'Etat en jeu - fasopo

par la politisation des relations sociales à l’université et la bipolarisation des espaces de
positions, en encourageant l’engagement dans un groupe, participent à la politisation des
individus.
Les effets du type d’habitat
Les mobilisations à l’université se déroulent dans un contexte où le nombre
d’étudiants connaît une forte augmentation. Ils passent de 180 000 à 436 000 dans les écoles
professionnelles, et de 65 000 à 340 000 à l’université entre 1960 et 1977 1148 . La
massification de l’enseignement supérieur produit une diversification des caractéristiques
sociales des étudiants. Alors que les bancs des universités étaient largement occupés par les
fils de la bourgeoisie provinciale et de quelques « familles d’Etat », à fortes ressources
économiques, les nouveaux étudiants proviennent majoritairement de catégories sociales
moins élevées. L’accès à tel ou tel établissement de l’enseignement supérieur étant
conditionné au classement d’un examen national, les étudiants doivent s’inscrire dans la
faculté à laquelle leur rang donne accès, souvent située à plusieurs centaines de kilomètres du
domicile familial. Des foyers étudiants sont donc construits afin de loger les étudiants de
modeste condition. Chacun de ces foyers est censé accueillir des étudiants originaires d’une
même région. Ainsi, à l’Université d’Istanbul, il est prévu que les étudiants originaires de la
province de Sivas soient logés à la Sivas yurdu et que la Rize yurdu soit réservée à ceux de
Rize. Mais cette règle n’est plus respectée à partir du moment où les organisations étudiantes
antagonistes investissent les foyers pour en faire des lieux « libérés » (kurtarılmış), interdisent
par l’usage de la violence l’installation d’étudiants originaires de villes ou de quartiers
considérés comme « fascistes » ou « gauchistes », ou de ceux qui ont eu des activités
militantes dans une section de lycée du groupe ennemi. Selon les foyers, les attitudes de
neutralité politique sont tolérées ou la conversion à la cause du groupe en position de force est
exigée. En outre, les membres des groupes parviennent à obtenir l’installation de
sympathisants en ne signalant pas à l’administration les départs et arrivées, ce qui explique,
nous le verrons, l’homogénéisation des positions et des modes d’action politiques des
étudiants logés dans les foyers.
1148 Ozankaya, Özer, Türk Devrimi ve Yüksek Öğretim Gençliği (La révolution turque et la jeunesse de
l’enseignement supérieur), Ankara, SBF yayınları, 1978.
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