L'Etat en jeu - fasopo

« Dev Yol avait mis en place une sorte d’organisation très spéciale, liée au comité
central, dont les membres avaient une éducation militaire très spéciale. Les membres
étaient coupés du peuple, de tout, le seul but de cette équipe c’était les actions armées.
C’était très limité, vingt-cinq personnes peut-être, pour toute la Turquie. Par groupe de
cinq par exemple, ils faisaient quelque chose à Izmir, ou à Istanbul.
Par exemple ?
Des hold-up, des assassinats dans des centres fascistes précis, contre la police, contre
les commissariats, ils posent des bombes, tuent des fascistes. Ça c’était l’Union de la
guerre révolutionnaire (Devrimci Savaş Birliği), pour des actions très précises. Dans le
peuple, pour protéger le peuple des fascistes, c’était l’Union de résistance armée
(Silahlı Direniş Birliği), dont je t’ai parlé tout à l’heure » 1350 .
Le mode de fonctionnement de ces unités leur permet de faire face aux exigences de la
clandestinité. İrfan, cadre de Dev-Sol, en témoigne :
« On était dans des sortes de bureaux, connus seulement par les cadres du mouvement,
ceux de premier degré (birinci degre). C’était très fermé, les informations ne passaient
pas comme ça, il y avait des sortes de procédures. On convoquait les responsables des
régions, on leur donnait rendez-vous dans des maisons, différentes à chaque fois, dans
des bureaux, on utilisait des codes. On était peut-être cinq personnes dans une maison,
on organisait plusieurs réunions par jour, mais on se déplaçait beaucoup, afin de régler
tel ou tel problème. Il y avait des responsables pour chaque « département » : pour les
opérations armées, pour la jeunesse, pour les syndicats, pour les quartiers. Le travail
était distribué selon les compétences. Par exemple, si tu es dans une région et que tu
sais te battre, tu peux avoir des responsabilités dans l’armée » 1351 .
Son implication dans l’organisation des opérations des unités armées de Dev-Sol
oblige ainsi İrfan à vivre dans la clandestinité :
« Après ma sortie de prison j’ai vécu de façon clandestine, dans différents endroits.
[…] J’avais des amis à Dev-Sol, Dev-Yol et dans d’autres organisations. Je vivais à
Istanbul, en sous-sol, d’une façon très modeste. On ne va pas au cinéma, ni au théâtre,
on ne mange jamais dehors, on contrôle tout, on est très concentré, toujours armé,
toujours attentif, j’ai été obligé de vivre d’une façon très planifiée. Après ma sortie de
prison, je pense que je n’ai mangé à l’extérieur qu’une seule fois. On ne sortait que la
nuit, pour réaliser les opérations qu’on avait planifiées » 1352 .
Dans le Mouvement nationaliste, l’ÜOD, puis l’ÜGD et l’ÜYD, ainsi que
l’Association du grand idéal (BÜD) mettent en place de petites unités implantées dans les
quartiers des grandes villes, dont le but est de mener des actions ciblées contre des individus,
1350 Les Unions de résistance armée (Silahlı Direniş Birliği) dont parle Kutay fonctionnent davantage comme des
milices urbaines, nous les aborderons dans la section consacrée aux milices. Entretien semi-directif réalisé avec
Kutay (Dev-Yol) le 2 mai 2006 à Ankara.
1351 Entretien semi-directif, réalisé avec Irfan (Dev-Yol, Dev-Sol, puis Dev-Yol) le 27 mai 2006 à Istanbul.
1352 Ibid.
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