L'Etat en jeu - fasopo

difficilement contrôlables par les organes centraux des organisations, mais nous avons vu que
le plus souvent, localement, le niveau de violence est déterminé par les positions occupées par
les acteurs dans les champs politiques locaux et nationaux. C’est la configuration formée par
les possibilités d’accès aux ressources gouvernementales et municipales de chaque
protagoniste qui détermine les types et les niveaux de violence mis en œuvre par chacun.
Cela permet de comprendre pourquoi le niveau de violence n’a cessé d’augmenter
jusqu’au 12 septembre, mais n’a jamais « explosé », et que les interactions entre les groupes
d’extrême gauche et idéalistes n’ont jamais pris la forme d’une guerre civile ouverte. Il existe
donc des dynamiques tendant à contenir le niveau de violence. Et c’est dans les rapports de
forces politiques locaux et nationaux qu’il faut les chercher. Nous l’avons vu, la violence
physique n’est globalement mise en œuvre que dans des situations où l’accès aux ressources
locales est menacé. Les formes et l’intensité des activités violentes varient donc selon deux
logiques (si l’on oublie un temps certaines logiques propres à la violence contextuelle), celles
du champ étatique et celles du champ politique 1394 . Mais en retour, les activités violentes, en
donnant accès à certaines ressources, font évoluer les rapports de force politiques, syndicaux
et associatifs. Il s’agit alors de comprendre comment les activités violentes sont façonnées par
les logiques du jeu politique et du champ étatique autant qu’elles participent à leur co-
construction.
L’analyse des dynamiques ayant mené au « massacre de Kahramanmaraş » et de ses
répercussions va nous permettre de comprendre comment les activités de violence physique
sont mises en oeuvre localement et contribuent à la modification des jeux politiques locaux et
nationaux.
1394 Cette forte liaison entre les enjeux des champs étatique et politique, et l’activation de modes d’actions
violents permet en outre d’expliquer pourquoi la violence armée n’est plus une solution envisageable lorsque
l’armée prend le pouvoir le 12 septembre 1980. A partir de cette date, non seulement les partis sont fermés et
leurs leaders emprisonnés, tout comme le sont la majeure partie des cadres des GOE et des organisations
idéalistes, mais l’intervention militaire a pour effet de fermer l’accès aux ressources étatiques. Si aucune
résistance armée n’est opposée aux militaires, c’est parce que les liens entre les secteurs politiques, associatifs et
armés des systèmes d’action sont coupés, mais c’est peut-être également parce que chacun comprend que
l’intervention de l’armée aboutit à la formation d’un système « hyper-hiérarchisé », suspendant pour un temps les
possibilités de captation des ressources publiques.
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