L'Etat en jeu - fasopo

comme nécessaires, les milices gagnent une légitimité et une force de mobilisation
conséquente » 1390 .
La participation (financière ou physique) aux activités de la milice peut évidemment
être obtenue par la contrainte, puisqu’une violence physique et symbolique milicienne se
substitue à la violence légitime de l’Etat. Mais, ainsi que le note Hamit Bozarslan, c’est aussi
la protection assurée par la milice qui lui permet d’imposer à la population sa « participation à
la guerre », c’est-à-dire aux attaques dirigées contre les autres communautés :
« En effet, la milice obtient largement la participation de la population au processus en
cours en la rendant complice et en obtenant son silence au nom de la protection ou des
liens organiques. La punition de la “ trahison ” et le silence du groupe par rapport à
cette sanction sont le meilleur gage de cette participation » 1391 .
On peut ainsi considérer que les milices ont participé à la « communautarisation » des
luttes d’intérêts, en même temps qu’à leur traduction en clivage gauche/droite. Ce faisant,
elles ont pu s’assurer un accès à tout un ensemble de ressources locales, mobilisables
localement ou dans le jeu politique national. Elles n’utiliseront la violence physique contre les
milices adverses ou les forces de l’ordre que quand elles lui contesteront ses positions de
domination locale. C’est ce qui se passe dans les villes des provinces d’Anatolie centrale et
oriental dans lesquelles les sections légales du MHP sont privées de l’accès aux ressources
publiques ou menacées de le perdre. La façon dont les milices parviennent à associer les
populations à leurs activités permet ainsi de comprendre comment elles ont pu obtenir leur
participation aux actes de violence physique perpétrés lors des soulèvements de Sivas, de
Çorum, de Malatya ou encore de Kahramanaraş, qui représentent les coups tactiques les plus
innovants, mais aussi les plus meurtriers, mis en œuvre par les idéalistes dans leurs
interactions avec les groupes de gauche.
1390 Bozarslan, Hamit, « Le phénomène milicien : une composante de la violence politique en Turquie des années
1970 », art. cit., p. 226.
1391 Ibid., p. 227.
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