L'Etat en jeu - fasopo

événements qui s’y sont déroulés en décembre 1978 n’invalide pas le choix de
Kahramanmaraş comme illustration de notre modèle 1332 . S’il y a exceptionnalité, c’est parce
qu’à Maraş, l’ensemble des mécanismes et processus observés jusqu’ici opèrent dans le
déclenchement et le déroulement des événements. Ils interviennent dans un contexte de forte
politisation des personnels de la municipalité et de l’administration provinciale, et de faible
implantation de l’Etat, alors que les sections idéalistes de la ville voient leur accès aux
ressources locales menacées par la progression électorale du CHP, soutenu notamment par les
habitants des quartiers alévis et les organisations d’extrême gauche en activité dans la
province. A la veille du déclenchement du massacre, la ville est le théâtre de divers types
d’activités de violence : des milices y quadrillent certains quartiers, des unités de frappe y
mènent des opérations ciblées et des altercations y opposent régulièrement idéalistes et
« socialistes ». Choisir d’analyser le déroulement et les répercussions des événements de
Kahramanmaraş, c’est donc se donner la possibilité d’identifier comment se conjuguent les
logiques des captations, des mobilisations et de la désobjectivation des institutions étatiques
dans la mise en œuvre de la violence physique, et de comprendre comment celle-ci opère sur
les modalités de la compétition politique et de l’accès aux ressources.
A. La multiplicité des types et des usages des activités de violence physique
Si le niveau de la violence varie dans le temps et sur le territoire, ses formes sont
également multiples. Les types d’activités de violence changent ainsi selon les contextes et les
lieux, ils relèvent de divers modes d’organisation et donnent accès à des ressources
différentes. Il faut analyser chacune de ces activités de violence afin de comprendre ce que la
violence, considérée comme mobilisation et mode d’accumulation de ressources, « fait » aux
groupes qui la mettent en œuvre.
Nous avons repéré trois types d’activités de violence mises en œuvre par les groupes
idéalistes et d’extrême gauche, relevant de modes d’organisation spécifiques et donnant accès
à des ressources différentes. Il s’agit de ce qu’on peut identifier comme des violences
« contextuelles », « organisées » et « miliciennes ». La violence contextuelle résulte des
rencontres fortuites et des interactions quotidiennes des militants idéalistes et d’extrême
1332 Le « massacre de Kahramanmaraş » est l’événement le plus meurtrier des années 1970 en Turquie. Il voit
une partie de la population sunnite, mobilisée par des unités idéalistes, s’attaquer aux quartiers alévis de la ville à
partir du 22 décembre 1978. Pendant quatre jours, les forces de l’ordre sont incapables de mettre un terme aux
attaques.
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