L'Etat en jeu - fasopo

près de la mosquée, alertent les croyants rassemblés pour la prière du vendredi et les gens
présents aux alentours : « Les communistes arrivent ! Les communistes brûlent la Sublime
Mosquée ! Les militaires sont avec nous ! Pourquoi arrêtez-vous ? N’avez-vous pas de
religion ? Ils nous prennent notre religion ! Marchez ! Tuez les communistes ! » 1406 . Près de
10 000 personnes convergent alors vers la mosquée, en criant « Les communistes à
Moscou ! », « Turquie musulmane ! », « Pouvoir meurtrier, Ecevit meurtrier ! » (Katil iktidar,
katil Ecevit !). Selon des témoins, le cortège est visé par des jets de chaises, de briques et de
pierres. Il se disperse tandis que quelques individus restent faire face aux idéalistes. Sur la
route, certains brisent les fenêtres de bâtiments connus appartenant aux sympathisants des
partis de droite.
Devant la Sublime mosquée, la situation se dégrade. Les forces de l’ordre, dépassées,
tuent un des hommes qui empêchent le cortège d’accéder à la mosquée. Le groupe,
principalement composé de membres d’organisations politiques, syndicales et étudiantes de
gauche, quitte la place de la mosquée tandis que ceux qui leur en barraient l’entrée,
généralement sympathisants ou militants idéalistes, se retournent contre la police. Selon le
réquisitoire du procès du massacre de Kahramanmaraş – qui se déroule à Adana en juin 1979 –
un des idéalistes présents exhorte ses compagnons à résister aux forces de l’ordre : « Tuez les
gauchistes ! Si la police vous arrête, tirez sur la police ; si les soldats vous arrêtent, retournez
vous et tirez aussi sur eux » 1407 . Ils incendient une voiture de police et un minibus des Travaux
hydrauliques d’Etat (Devlet Su İşleri) devant la mosquée, démembrent les camions de
l’escadron de commando de gendarmerie de Gölbaş, dévastent la boutique du frère de
l’enseignant de gauche tué Mustafa Yazıcıoğlu et attaquent l’assistant du chef de la police,
Hüsnü Işıklı, le blessant à la tête et fracassant les vitres de sa voiture 1408 .
A vingt heures, les quelque 300 idéalistes toujours présents doivent se déplacer suite à
l’intervention d’un escadron militaire. Ils se rendent alors sur la place de Chypre, située non
loin de là, où ils incendient les bâtiments du CHP, du TİKP, de la DİSK, du syndicat du
textile, de Töb-Der, de Pol-Der et de la Direction des affaires sanitaires (Sağlık İşleri
Müdürlüğü). Ils s’attaquent également aux boutiques des sympathisants des partis de gauche
1406
Ibid., pp. 109-111.
1407
Gürel, Burak, « “Communist Police !” The State in the 1970s Turkey », Journal of Historical Studies, n°2,
2004, p. 9.
1408
Gürel Burak, Political Mobilization In Turkey in the 1970’s : The Case of the Kahramanmaraş Incidents, op.
cit., pp. 109-111.
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