La civilisation égéenne - Tome 1 - Numilog

Le Bronze moyen 285
transformation des habitats, les grands changements intervenus dans les
nécropoles et les coutumes funéraires, nous permettent de déduire que
les vieux génos étaient presque complètement démembrés et qu’on se
trouve dès maintenant en présence des classes qui devaient façonner la
vie et le cours de l’histoire tels qu’on pourra les suivre à l’époque des
nouveaux palais : magistrats, nobles, prêtres et prêtresses, artisans, mar-
chands et navigateurs, agriculteurs et éleveurs, enfin ceux qui étaient
chargés du maintien de l’ordre et de la sécurité. La spécialisation était
sans doute arrivée à un stade assez avancé et des ateliers avaient été
créés à l’intérieur et à l’extérieur des palais ; mais l’essentiel de la pro-
duction venait des palais et servait de modèle aux autres centres. I1 y
avait toujours des différences entre les classes et il est certain que les
plus basses d’entre elles avaient à peiner pour pourvoir à leur existence.
La plupart des maisons continuent à être étroitement compartimentées
et serrées les unes contre les autres. Les nobles et les dignitaires habi-
taient à l’intérieur des palais, ou dans des maisons relativement confor-
tables situées tout près. Les villas et les fermes essayaient d’imiter les
palais tout en s’adaptant aux besoins locaux. Nulle part on n’a mis au
jour des groupes de cabanes ou d’autres constructions médiocres qui
auraient été destinés aux esclaves ; nous ne sommes même pas sûrs qu’il
y ait eu une classe d’esclaves : il aurait été très difficile qu’elle subsiste
dans les conditions de vie de l’époque. II devait y avoir des gens au ser-
vice des seigneurs, ceux-ci leur assurant en échange la subsistance. La
vie était pacifique et, jusque maintenant, on n’a pas eu la preuve que
les catastrophes qui se sont abattues sur les villes et les habitats, les
palais et les grands établissements, aient été provoquées par des ennemis
intérieurs ou extérieurs. Les villes sont demeurées non fortifiées. La
(( paix minoenne D, la pax minoica légendaire, date du début de l’épo-
que des premiers palais. Et pourtant, les centres les plus importants
étaient devenus très riches et devaient, sans aucun doute, exciter la con-
voitise de leurs voisins. On ne sait pas de façon sûre si la richesse indi-
viduelle s’était également développée et se trouvait entre les mains d’une
classe qui aurait pu constituer une opposition à l’intérieur du pays. De
toute façon, il aurait été impossible que cette paix se maintienne s’il n’y
avait eu une force maritime organisée et un contrôle systématique des
mers qui neutralisaient à temps les offensives pirates. On ignore si ce
que rapporte Thucydide - neutralisation des pirates de la mer Égée par
Minos et sa thalassocratie - remonte à une époque aussi reculée que
celle des anciens palais. Mais il est de fait que les Crétois ont pénétré
dans les Cyclades en établissant des comptoirs commerciaux, et en fon-
dant peut-être les premières colonies.