La civilisation égéenne - Tome 1 - Numilog

Introduction 29
les figures analogues dans le monde mycénien étaient presque toujours
considérées comme celles des nobles qui gardaient de propos délibéré les
cheveux longs - xapqxopoovrq ’Axaioi (les (( Achéens aux longs che-
veux ») comme les appelle Homère. En Crète on se rasait dans toutes
les classes et à peu près à toutes les époques. Est-ce un hasard si l’on
rencontre tant de visages au profil grec sur des fresques mycéniennes ou
bien faut-il voir en cela un rapport avec la domination totale de l’élé-
ment grec à la fin de la civilisation mycénienne, alors que la langue
grecque était désormais répandue, comme nous l’enseignent les tablettes
des archives mycéniennes qu’on a déchiffrées ?
Beaucoup ont voulu utiliser comme données essentielles, pour distin-
guer les tribus originelles de la Méditerranée orientale, le peu qu’on sait
sur les langues parlées dans les différentes régions, et ce que la tradition
grecque nous a transmis sur les tribus qui s’établirent successivement
dans la péninsule grecque. Nous parlerons de ces données dans d’autres
chapitres, mais il est nécessaire de souligner ici qu’en accord avec ce
que nous enseignent les spécialistes, il ne faut pas voir dans la langue
un élément de base pour distinguer les populations ; pour ce qui est de
la tradition ancienne, la recherche a confirmé que, bien que reposant
pour l’essentiel sur la réalité historique, elle introduisit très tôt le mythe
et se transforma souvent au gré des besoins politiques, sociaux ou reli-
gieux. I1 faut donc, quand on utilise ce genre d’éléments, faire preuve
d’une critique historique attentive, et savoir interpréter.
Mythes, traditions, réminiscences historiques
Les événements historiques les plus marquants, ceux qui façonnèrent
les différents mondes politiques et sociaux de l’Égée, et qui contribuè-
rent à l’évolution spécifique de sa civilisation jusqu’à l’aube de l’époque
historique, ne laissèrent que des souvenirs flous et confus dans le
monde grec. II ne pouvait en être autrement après les (( siècles obscurs ))
qui suivirent le déclin et l’effondrement de la civilisation égéenne, épo-
que où s’accomplirent des changements fondamentaux dans les systèmes
sociaux et politiques, dans la vie spirituelle et matérielle comme dans la
religion. L’abandon total de l’écriture à cette époque ne permit pas de
conserver dans des textes un quelconque lien avec un passé dont les
gens se désintéressaient. Seuls les généalogies, le culte des héros et le
culte des ancêtres les reliaient encore à ce passé ; même les réminiscen-
ces historiques furent recouvertes par les traditions mythologiques, qui