La civilisation égéenne - Tome 1 - Numilog

Introduction 35
dans le palais même de Cocalos, roi de Camicos, mit fin à la thalasso-
cratie crétoise.
Les traditions concernant l’étendue de la colonisation et les expédi-
tions de Minos étaient très diverses et se révélaient à travers des varian-
tes locales. Elles n’allaient pas sans exagération : on ne faisait pas seule-
ment état d’une thalassocratie crétoise, mais d’une domination sur la
Grèce continentale. Les récits mensongers de l’ingénieux Ulysse qui se
faisait passer pour un aventurier crétois exceptionnellement entreprenant
sur mer, se font l’écho, même de loin, de la tactique crétoise. Ulysse
raconte à Eumée (1 199 ss.), avec force détails, qu’enfant naturel d’une
famille très riche et très nombreuse, il fut obligé de s’expatrier après la
mort de son père : il avait été lésé dans l’héritage par ses demi-frères, il
avait le caractère d’un aventurier, le goût du risque et il ne pouvait se
contenter de I’oilcwqrAiq (les soins de la maison). Aussi avait-il entrepris
neuf expéditions maritimes particulièrement réussies, amassant de gran-
des richesses et se faisant une réputation. Son association avec Idomé-
née dans la longue aventure troyenne lui ayant donné l’habitude de la
guerre, revenu depuis un mois à peine il avait entrepris une autre expé-
dition en Égypte, expédition qui avait tourné à la catastrophe à cause
de la légèreté de ses coéquipiers ; lui-même n’avait échappé à la mort
que grâce à la pitié du roi local ; il était donc resté là-bas sept ans,
amassant des biens, avant d’être dupé par un Phénicien roué qui l’avait
invité à le suivre dans son pays, puis en Libye, avec l’intention de l’y
vendre comme esclave. Le naufrage de son bateau, frappé par la fou-
dre, lui créa alors de nouveaux ennuis qui l’amenèrent finalement dans
le pays des Thesprôtes où le roi Pheidon lui offrit l’hospitalité, lui dit
ce qu’il savait d’Ulysse et s’occupa de son retour dans sa patrie. Mais,
encore une fois, c’est tout juste s’il échappa aux mauvaises intentions
de l’équipage du bateau en s’enfuyant vers Ithaque. Dans le deuxième
récit mensonger (T 165 ss.) qu’Ulysse fait à sa femme Pénélope avant
que celle-ci l’ait reconnu, il se présente comme fils de Deucalion et frère
d’Idoménée et insiste sur le fait qu’il a généreusement accordé I’hospita-
lité à Ulysse et ses compagnons en Crète. Ces récits sont très caractéris-
tiques : les entreprises pacifiques devinrent très facilement des entrepri-
ses pirates, les intentions réelles - l’exploitation - demeurèrent cachées
derrière promesses et belles paroles et on n’était jamais sûr que les equi-
pages des bateaux ne montreraient pas de dispositions de pirates ; les
scrupules moraux ne pesaient guère face à la force et au danger repré-
sentés par les adversaires étrangers.
La tradition grecque nous fait suivre l’extension de l’État de Minos
sur les îles de l’Égée et les côtes de la Méditerranée ; les principales