La civilisation égéenne - Tome 1 - Numilog

Introduction 39
en cyprès soutenait des poutres entrecroisées taillées avec une hache en
bronze. On pouvait, pensait-on, puiser sur la terre sacrée de Crète les
leçons essentielles pour établir une législation d’origine divine, puisque
c’est là que ses rois - Minos et Rhadamanthe - avaient reçu leurs
lois, directement du dieu, dans des grottes ou au sommet de très hautes
montagnes, comme d’autres Moïse. Où, ailleurs, Lycurgue de Sparte
aurait-il pu acquérir son savoir législatif ?
Mais les Crétois, même à l’époque hellénique, racontaient sur les
dieux des choses étranges que les autres Grecs ne pouvaient pas croire.
De là venait leur réputation de menteurs, comme le reconnaissait Épi-
ménidès lui-même et comme Callimaque, le grammairien d’Alexandrie,
le répétait dans son élégie bien connue : (( Les Crétois sont des men-
teurs, puisqu’ils ont inventé pour toi, ô dieu souverain, un tombeau ;
mais toi tu n’as jamais été mort : tu es immortel pour l’éternité. H
En fait, Zeus Crétagène - résultant d’un syncrétisme entre le jeune
dieu minoen et le Zeus grec - ne ressemblait pas du tout au dieu
suprême de l’Olympe, immortel et tout-puissant, à la volonté inflexible
et qui, d’un signe de tête, ébranlait les cieux ; pour qu’il naquît sans
que son père Cronos l’avalât comme ses autres frères, il fallut que sa
mère Rhéa fît preuve de ruse et le remplaçât par une pierre emmaillo-
tée ; sa mère le cacha ensuite dans la grotte du Dikté où il grandit et
fut nourri du lait de la chèvre Amalthée. Une autre tradition situait sa
naissance dans la grotte de l’Ida où les Courètes couvrirent ses pleurs
par le bruit de leur danse armée et où les abeilles assurèrent sa nourri-
ture. Même à l’époque grecque on pouvait voir dans cette grotte le sang
de sa naissance couler de très haut, d’un endroit difficilement accessi-
ble, et on faisait face au trône dressé qui attendait son apparition
impromptue. On le présentait comme le Grand Kouros, qui revenait
chaque année avec sa suite de Courètes, apporter sur terre fertilité et
prospérité. En fait ce dieu n’était pas immortel ; il mourait chaque
année et renaissait au printemps ; sa mort était accompagnée de lamen-
tations et de plaintes, sa résurrection de manifestations de joie et d’allé-
gresse, très semblables à celles qui se déroulaient en Syro-Phénicie et,
plus tard, en Basse Égypte pour Adonis. L’hymne de Zeus Diktaios
trouvé à Palaikastro, en Crète orientale, nous fait part des croyances et
des doctrines relatives au jeune dieu, croyances qui se maintinrent
jusqu’à l’époque grecque tardive. Velchanos, une autre forme du jeune
dieu, fut rattaché d l’arbre sacré et à l’oiseau du soleil ; à époque grec-
que il recevait encore un culte dans les régions de Phaistos, Gortyne et
Cydonia (si le nom du village d’Aichania ou Falchania, d’où vient le
nom moderne de la ville de Chania - La Canée - est à mettre en rap-