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LE RAVISSEMENT DE TYLER MARSHALL
de feuilles tendres éparpillées. Une plume d’oiseau est plantée dans la
chaussure.
Le garçon la contemple de ses yeux exorbités. Il n’est pas aussi
intelligent que Tyler, d’accord, mais un peu moins obtus qu’Ebbie
Wexler ; il n’a pas trop de mal à imaginer le garçon traîné à travers les
fourrés, laissant derrière lui son vélo et ce... cette basket solitaire.
— Ty ? appelle T.J. C’est une blague ? Tu as intérêt à arrêter, si
c’est ça, parce que je vais dire à Ebbie de te faire la pire brûlure
indienne que t’as jamais eue !
Pas de réponse. Ce n’est pas une blague et T.J. le ressent. Il pense
soudain à Amy Saint Pierre, à Johnny Irkenham. Il entend ou croit
entendre des pas furtifs derrière la haie ; le Pêcheur a eu son dîner et il
revient pour le dessert...
L’enfant tente de crier, mais sa gorge n’est plus qu’un trou
d’aiguille. Alors il se couche sur son guidon, appuie sur les pédales et
descend le trottoir en écrasant le gobelet abandonné dans le caniveau. Il
fonce sur la chaussée, s’éloignant aussi vite qu’il le peut de la masse
sombre des fourrés. Plié en deux tel un coureur de grand prix, il laisse
derrière lui une trace noire et luisante qui fait penser à du sang. Quelque
part, un corbeau coasse. Ce pourrait être un rire.
16, Allée Robin des Bois : cette adresse nous dit quelque chose.
Un coup d’œil par la fenêtre de la cuisine nous révèle Judy Marshall
endormie dans un rocking-chair, un livre ouvert posé sur les genoux - le
John Grisham que nous avions aperçu sur sa table de nuit -, une tasse de
café à moitié pleine posée par terre à ses pieds. Elle n’a lu qu’une
dizaine de pages avant de piquer du nez, mais ce ne sont pas les talents
de narrateur de Mr. Grisham qui sont en cause. La nuit a été difficile
pour Judy, et ce n’est pas la première. Voilà plus de deux mois qu’elle
n’a plus eu trois heures de vrai sommeil. Fred, qui s’inquiète pour sa
femme, n’imagine cependant pas la gravité de son état. Il en serait bien
plus qu’effrayé, autrement. Que Dieu lui vienne en aide car il va bientôt
en avoir un aperçu plus exact.
Elle commence à faire aller sa tête de droite à gauche en gémissant,
et, bientôt, les mots absurdes jaillissent de sa bouche, trop engourdis de
sommeil pour que nous ne saisissions rien de plus que « Abbalah » et «
Gorg ». Soudain, ses yeux s’ouvrent d’un coup. Ils sont d'un bleu vif qui
brille dans la lumière dorée du matin.
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