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TERRITOIRES
partout, à l’heure qu’il est. Avec toute la merde qu’il va falloir ramasser
derrière eux...
Il s’en va dans un grand roulement de chariot. Rebecca demande à
Henry s’il désire quoi que ce soit d’autre.
— Les néons sont allumés, n’est-ce pas ? Alors éteignez-les, s’il
vous plaît, et attendez la première vague. Ensuite, vous branchez mon
spot et vous vous préparez à danser jusqu’à tomber par terre.
— Vous voulez que j’éteigne tout ?
— Vous allez voir.
Rebecca se dirige vers les interrupteurs, les abaisse. En effet, après
l’éclat brutal des néons, la lumière naturelle venue de la rangée de
fenêtres plane dans la salle comme une brume voluptueuse, comme si
un rideau de théâtre transparent était tombé. Elle se dit que le spot rose
sera parfait là-dedans.
Sur la pelouse, la sauterie champêtre en est à ses derniers
soubresauts. Une volée de vieillards alignés devant les tables pliantes
termine ses biscuits à la fraise et les boissons gazeuses. Le pianiste,
canotier sur le crâne et brassières rouges aux biceps, achève sans grâce
mais avec puissance sa version de Heart and Soul. Puis il referme son
clavier et se lève sous les applaudissements. Les petits-enfants, qui
avaient d’abord rechigné à l’idée de venir, se poursuivent entre les
fauteuils roulants. Ils fuient le regard courroucé de leurs parents et
cherchent à obtenir un dernier ballon en cajolant la dame en habit de
clown et perruque rose frisée qui les distribue. Quelle fête !
Alice Weathers a été la première à applaudir le pianiste, et pour
cause : c’est elle qui, il y a quarante ans, lui a péniblement inculqué les
rudiments de cet art, de quoi récolter de temps à autre quelques dollars
lorsqu’il ne s’adonne pas à son occupation habituelle, laquelle consiste
à vendre des tee-shirts et des casquettes de base-bail sur le trottoir de
Chase Street. Charles Burnside est sur son trente et un - vieille chemise
blanche et pantalon très sale, enfilé après que le brave Butch Yerxa l’a
nettoyé des pieds à la tête. Il se tient un peu en retrait à l’ombre d’un
chêne. Il ne bat pas des mains, non. Il renifle avec mépris, se passe de
temps à autre une main sur la bouche ou se cure les dents avec un ongle
cassé, mais, pour l’essentiel, il ne bouge pas. On croirait qu’il a été
planté sur le bord d’une route par un quidam qui a redémarré en trombe.
À chaque fois que les gamins sont entraînés dans sa direction par
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