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TERRITOIRES
des as était entré dans le bureau de son capitaine, il avait déposé devant
lui son insigne et son arme de service, puis il avait annoncé à son
supérieur abasourdi qu’il se retirait des forces de maintien de l’ordre.
Ignorant tout de la rencontre de Jack avec l’inspecteur Leone à Santa
Monica, le capitaine n’a pas cherché à établir l’éventuelle influence d’un
manège arrêté près d’un cadavre sur la décision de Jack Sawyer. S’il
l’avait fait, d’ailleurs, Jack lui aurait rétorqué que c’était ridicule.
« Ne va pas là-bas », s’admoneste-t-il, et il y arrive très bien. Il y a
quelques réminiscences involontaires, des clichés - une tête cabrée de
cheval de bois, la gueule furibonde de Leone, et cette autre chose, la
forme qui occupe l’angle mort de la scène, à tous les sens du terme, et
qui ne doit surtout pas être regardée. Mais quand ces fulgurances se
présentent à lui, il les congédie, oui. C’est comme une séance de magie,
de magie blanche. Il sait parfaitement que son habileté à effacer les
images est une sorte d’autodéfense. Si les raisons cachées de cette
réaction d’autodéfense demeurent obscures, le besoin même qu’il en
ressent est une justification en soi. Si tu veux une omelette, faut d’abord
battre les œufs, pour citer l’incontournable référence, Duke Wayne.
Jack Sawyer a d’autres chats à fouetter que ces incohérences
venues d’un rêve, ces télescopages de mots - «fliquicier»... -dignes d’un
babillage enfantin. Les chats à fouetter, également, il aimerait bien les
effacer, mais ils refusent de s’en aller. Pis, ils lui tournent autour comme
des prédateurs.
En fin de compte, tout ne va pas si bien pour notre Jacky. Il piétine
devant la cuisinière en contemplant des œufs qui ne l’inspirent plus trop,
soudain, sans qu’il puisse dire pourquoi. Ces œufs échappent à
l’analyse, mais ils sont quantité négligeable. En effet, dans le coin de
son œil, le gros titre du Herald paraît se détacher de la page pour flotter
jusqu’à lui : « Le Pêcheur court toujours »... Ah non, assez ! Il détourne
la tête tout en sachant que c’est lui-même qui a installé cette histoire
dans son esprit. Il court où, après tout ? Pourquoi pas à Staten Island ou
à Brooklyn, là où le véritable Fish, Albert, un siphonné comme il y en a
peu, avait trouvé deux de ses victimes ?
Ce machin lui donne la nausée. Deux enfants morts, une autre
disparue et probablement assassinée, les morsures, un cinglé qui se
spécialise dans le plagiat de Fish... Dale l’a accablé d’informations.
Elles infiltrent son organisme comme un agent contaminant. Plus il
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