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AU PLUTONIEN RIVAGE DE LA NUIT
chérie... » Il sourit aux ténèbres, de plus en plus gaiement : « Ah...
coquine ? C’est moi. Je suis tellement... »
Oui, il arrive parfois que l’odeur du sang soit comme un éclat de
rire.
Que voici, là-bas, au bout de l’Allée des Clous, dans le crépuscule
qui s’illumine tel un texte sacré devenu soudain intelligible ? Un essaim,
un nuage de créatures vrombissantes s’abat sur Jack Sawyer. Elles sont
trop petites pour être des colibris, trop pacifiques pour être des guêpes.
Jack n’a aucune explication à proposer, mais il n’est pas effrayé non
plus car leur présence est réconfortante. Ce sont des abeilles, des
abeilles à miel, mais d’une taille qu’il n’a jamais vue. Leurs ors sont
plus brillants que la normale et leurs stries d’un noir plus vibrant ; leur
toucher sur son visage est délicat, leur bourdonnement collectif est aussi
apaisant qu’un hymne protestant.
Il ne leur résiste pas et, bientôt, elles forment un casque sur sa tête,
un châle sur ses épaules, compact mais léger, un vêtement sur ses bras,
sur ses jambes. C’est un habit de cachemire moiré qu’il porte, épousant
ses formes et ses mouvements. Il a déjà vu des photos d’apiculteurs
ainsi noyés dans un essaim, mais cela n’est pas une image, c’est une
réalité qu’il goûte avec un plaisir qui l’étonne. Cette arrivée inopinée lui
fait oublier la mort affreuse de Souris, l’angoissante mission qui
l’attend, et elle lui rappelle Sophie. Il aimerait qu’elle le voie ainsi
enveloppé, choyé. Qui sait si, par la grâce du d’yamba, elle ne le
regarde pas ? Quelqu’un lui offre un encouragement, un soutien, une
bénédiction... Dans ce costume vibratile, il a l’impression qu’il lui
suffirait de faire un pas vers le ciel pour s’arracher à la pesanteur
terrestre. Oui, les abeilles l’emporteraient comme les Hommes-Volants
des Territoires ont emporté Sophie. Il aurait alors non pas deux ailes,
mais des millions.
Jack se souvient que, dans notre monde, les abeilles retournent à
leurs ruches une fois la nuit tombée. Comme si elles venaient d’être
rappelées à leurs habitudes, elles commencent à quitter son corps, une
par une, puis par petits groupes. Elles se rassemblent en essaim à
quelque distance de là avant de fuser vers l’est, par-dessus les toits de
l’Allée des Clous. Et elles disparaissent dans l’obscurité infinie. Quand
il se sent capable de regagner son véhicule, Jack a la sensation qu’un
regard est posé sur lui, un regard protecteur, aimant. En tournant la clé
de contact, il découvre la bonne
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