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TERRITOIRES
oreilles et cependant elles le sont : l’indiscrétion est un très vilain défaut
mais aussi un stimulant puissant pour l’esprit humain.
Venue de l’ouest, la voiture de police conduite par Tom Lund est
maintenant en vue tandis que, de l’est, arrive le Dodge bordeaux de
Jack. Les deux véhicules se présentent à l’entrée de l’allée au même
moment. Jack fait signe à Dale de le précéder. Nous déployons nos
ailes, nous les dépassons avant de nous poser sur la pompe Esso toute
rouillée afin d’observer la suite des événements.
Jack approche lentement du bâtiment à moitié effondré dans les
herbes folles et les boutons-d’or. Ses yeux guettent des traces récentes
sur la chaussée, mais il ne repère que celles laissées par la voiture
devant lui.
— Bon, on va être entre nous, ici, annonce-t-il à Henry.
— Oui, mais pour combien de temps ?
« Pas pour longtemps », songe-t-il. Mais il se contente de se garer
à côté du véhicule de Dale et de mettre pied à terre. Henry baisse sa
vitre mais reste à sa place, comme il en a reçu l’ordre.
Chez Ed, c’était jadis une baraque en bois longue comme un
wagon de marchandises de la Burlington Northern avec un toit plat.
Côté sud, trois fenêtres guichets dispensaient glaces et boissons ; côté
nord, les téméraires pouvaient acheter un de ces redoutables hot dogs
ou, plus effrayante encore, une platée de fish and chips ; au milieu, il y
avait un coin snack-bar avec un comptoir et des tabourets en skaï rouge.
L’aile méridionale a cédé, sans doute en hiver, sous le poids de la neige.
Plus une vitre n'est intacte. Il reste quelques graffiti mais pas tant que ça
: « Une telle suce les bites », « On a baisé Patty Jarvis jusqu’à ce qu’elle
demande grâce », « Troy m Maryann, oui ». Des grillons discutent dans
l’herbe, moins bruyamment, pourtant, que les mouches à l’intérieur.
C’est une convention d’insectes qu’on entend là-dedans. Et...
— Tu sens ? demande Dale.
Jack hoche la tête. Bien sûr que oui. C’est une odeur qu’il a déjà
eu à subir ce matin, mais, ici, elle est pire, parce qu’il y a plus d’Irma
pour empuantir l’atmosphère. Plus que ne pourrait contenir un carton à
chaussures.
Tom Lund a sorti un mouchoir avec lequel il éponge sa large face.
Il fait chaud, mais cela n’explique pas la sueur apparue sur ses traits
livides. Dale se tourne vers lui.
— Lund ?
— Hein ?
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