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LE RAVISSEMENT DE TYLER MARSHALL
Elvena Morton continue sur sa lancée.
— Et puis, je reconnais que toutes les excuses sont bonnes pour
sortir un peu quand il commence à faire son Mongolien Fou.
C’est ainsi qu’elle désigne le personnage du Rat du Wisconsin. Et
Jack approuve poliment du bonnet sans savoir que, dans quelques
heures, il va rencontrer quelqu’un dont le surnom est le Hongrois Fou.
Toutes ces petites coïncidences qu’il y a, dans la vie...
— C’est toujours le matin tôt qu’il se met en tête de faire ça, et
moi je lui ai dit et redit : « Si vous devez crier toutes ces insanités et
laisser faire ces petits rigolos à qui on devrait interdire de toucher un
tuba, et encore plus une guitare électrique, pourquoi s’y mettre à cette
heure-là, vous, alors que ça vous gâche le reste de la journée ? » Parce
que le Mongolien Fou lui flanque la migraine à chaque fois ou presque,
et après il passe l’après-midi avec un sac de glaçons sur sa pauvre tête,
sans rien dans le ventre non plus. Quand je regarde dans le frigo, le
lendemain, le dîner que je lui avais préparé est encore là, à moins qu’il
m’ait prévenue qu’il voulait faire la cuisine lui-même, et même quand il
n’y est plus, je me dis des fois qu’il l’a simplement jeté aux ordures.
Jack étouffe un grognement. La remarque de Mrs. M. vient de lui
faire penser à la manière dont il va placer la chaussure de sport dans un
sac-poubelle en s’aidant de la pince à bûches et à la pièce à conviction
qu’elle sera devenue lorsqu’il l’aura apportée à Gilbertson. Il se dit aussi
qu’il va devoir vérifier qu’il n’y a rien d’autre dans le carton ni dans le
papier kraft. Et examiner de plus près les emballages de sucre, aussi. Il y
a peut-être un nom et une adresse de restaurant imprimés au dos. C’est
peu probable mais...
— Mais lui, il dit : « Je ne peux rien y faire, Mrs. M. Des fois je
me réveille et je suis le Rat. Et même si je le paie après, c’est un tel
bonheur, ce moment. Le bonheur ! » Et moi je lui ai demandé quel
bonheur il y avait à entendre des gamins crier qu’ils veulent tuer leurs
parents ou manger un fœtus ou forniquer avec des animaux... Parce qu’il
y a une chanson qui parle de tout ça, Jack, je l’ai entendue de mes
propres oreilles ! Et lui, il me répond que... Ah, voilà, on y est.
Ils sont en effet devant l’allée qui conduit chez Henry ; celle de
Jack est cinq cents mètres plus loin. D’ici, il voit son pick-up miroiter
tranquillement dans le soleil. Pas le perron ni l’horreur
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