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TERRITOIRES
fois, de remporter le premier prix du concours d’orthographe du
Wisconsin, à cause d’une erreur sur le mot « opopanax ». Le genre
d’informations que l’on attend d’un journal local, quoi.
Jack prend deux ou trois bouchées d’omelette avant que le goût ne
détourne son attention des malheurs de la pauvre Milly. Abominable, ce
goût. Crachant ce qu’il a dans la bouche sur son assiette, il découvre une
boue grisâtre, hérissée de bouts de légumes brûlés à moitié mâchés. La
portion encore intacte de son petit déjeuner n’a pas l’air plus
appétissante. Ce n’est plus de la cuisine, c’est du gâchis.
Il baisse la tête, pousse un grognement. Un frisson le traverse tel un
court-circuit qui projetterait des étincelles le long de sa gorge, de ses
poumons, de ses organes soudain affolés. «Opopanax» : le mot l’obsède.
«Je craque... Ici et maintenant. Non, je ne dois pas... L’opopanax m’a
attrapé dans ses griffes, avec tout l’opopanax de ses bras, essaie
maintenant de me noyer dans le fleuve Opopanax, où je trouverai mon
opopanax. »
— Qu’est-ce qui m’arrive ? proteste-t-il d’une voix perçante qui
l’effraie.
Des larmes jaillissent de ses yeux d’opopanax et il continue à
grogner au-dessus de son opopanax qu’il finit par aller jeter à la poubelle
avant de rincer l’assiette. Il décide qu’il est temps de se montrer un peu
rationnel, zut ! Cesse de t’opopanaxer la cervelle ! Tout le monde a ses
faiblesses, non ? Son regard s’arrête sur la porte du réfrigérateur et il
tente de se rappeler s’il lui reste un œuf ou deux. Mais oui, même plus,
puisqu’il avait entièrement rempli le compartiment... Il n’a pas pu les
gâcher tous ce matin. Il n’est pas à côté de ses pompes à ce point...
Il parcourt des doigts le bord de la porte et là, entièrement
inattendus, il voit les reflets sur le crâne chauve d’un Noir.
— Pas toi ! La personne à laquelle ce cri s’adresse n’est pas
présente. C’est à peine une personne, d’ailleurs. Non, pas toi !
Ses doigts ouvrent le frigo d’eux-mêmes et Jack Sawyer contemple
les rangées de trous. Vides. Tout au bout, cependant, il y a un petit objet
qui a la forme d’un œuf, oui, mais d’un bleu tendre, nuance qui pourrait
être celle d’un ciel d’été contemplé par un gamin depuis la grande
pelouse d’une belle maison de Roxbury Drive à Beverly Hills, en
Californie, dont les propriétaires, vous pouvez le parier, sont dans le
show-business.
Jack connaît le nom précis de ce bleu. Il en a fait l’examen
approfondi en compagnie de Claire Evinrude, une cancérologue
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