Télécharger (vers l`aval) livre électronique - Ebooks-numeriques.fr

AU PLUTONIEN RIVAGE DE LA NUIT
furieuse secoue les branches, les troncs craquent en cédant le passage à
un mur grisâtre qui avance vers lui, duquel émerge avec une lenteur
oppressante une sorte de visage émacié. Oui, c’est une tête, de deux
mètres de haut du crâne au menton, et elle s’agite à la recherche de
Jack.
Ce visage résume tout ce qui a cherché à le terroriser ou à le
blesser dans ce monde comme dans les Territoires. Il évoque un
monstre humain nommé Elroy qui a tenté autrefois de le violer dans un
bar sordide, puis c’est Morgan d’Orris, puis Sunlight Gardener, puis
Charles Bumside, et toutes ces physionomies superposées oscillent
frénétiquement pour le trouver, lui. Il s’arrête, tétanisé par la peur.
Soudain, la figure encadrée de feuillages gris s’immobilise. Ses
yeux morts l’ont vu, son nez dépourvu de narines a senti sa présence.
Avec un frémissement de plaisir, le visage approche, grandit encore.
Incapable de bouger, Jack jette un regard éperdu en arrière et découvre
un cadavre en état de putréfaction qui se relève avec peine de son lit de
sangle, ouvre la bouche et hurle : « D’yamba ! »
Le cœur cognant contre sa cage thoracique, un cri coincé dans la
gorge, Jack saute sur ses pieds avant de comprendre qu’il a quitté le
cauchemar. Ruisselant de sueur, il met un moment à admettre qu’il n’y
a pas à ses côtés de tête géante, mais seulement le décor familier de sa
chambre, avec ce beau tableau qu’il a résolu d’offrir à son ami. Il est 9 h
47 à sa montre. Le temps de prendre une douche, de déjeuner et de se
mettre au travail. Trois quarts d’heure plus tard, il décroche son
téléphone et demande Dale au siège de la police. A 11 h 25, flanqué de
son ami, qui voudrait tellement croire qu’il y a un brin de cohérence
dans les folies qu’il lui a racontées en chemin, Jack quitte la voiture
garée sous l’unique arbre du Sand Bar. Ensemble, ils traversent
l’esplanade brûlante, contournent deux Harley garées près de l’entrée et
poussent la porte.