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AU PLUTONIEN RIVAGE DE LA NUIT
son vrai nom, c’est Irma ! Et il a dit que... qu’un méchant vieux avait
mangé sa jambe mais qu’il aurait pu lui arriver bien pire, à ma petite
Irma.
Elle s’arrête, bouche ouverte, oubliant même de battre des cils, et,
lorsqu’elle revient d’où elle était partie, elle est comme une statue qui
s’anime lentement. Sa voix est si fragile qu’elle devient presque
inaudible.
— Je devais lui régler son compte, à ce vieux, lui régler bien.
Sauf que vous m’avez donné ces belles fleurs et sauf que ce n’était pas
lui, pas vrai ? Jack voudrait hurler. Il se tait. Oui, il a dit qu’il y avait
pire, reprend Tansy dans un chuchotement incrédule. Mais il n’a pas dit
ce que c’était, il me l’a montré, à la place. Et quand j’ai vu, j’ai cru que
mes yeux s’enflammaient. Et pourtant je voyais...
— Qu’avez-vous vu ?
— Un grand, grand endroit tout en feu. Qui monte très, très
haut... Elle se tait, prise d’un tremblement qui part de ses tempes, court
jusque dans ses doigts et la quitte. Mais Irma, IRMA, elle n’est pas làbas.
Non, elle n’y est pas. Elle s’est fait morte et un méchant vieux a
mangé sa jambe et il m’a envoyé une lettre mais je ne l’ai jamais reçue.
Alors Gorg me l’a lue. Je ne veux pas y penser.
On dirait une fillette qui répète ce qu’elle a entendu dire ou ce
qu’elle a inventé. Entre ce qu’elle a vu, ce qu’elle a entendu, et ce
qu’elle prétend être maintenant, un épais rideau est tombé qui seul lui
permet de tenir. À nouveau, Jack se demande ce qu’il adviendra d’elle
lorsque les muguets vont mourir.
— Et maintenant, si vous ne devez pas m’embrasser, il est temps
que vous partiez. Je voudrais être seule.
Surpris par sa détermination, Jack se lève. Il commence une
formule de politesse, mais Tansy le congédie d’un geste.
Dehors, l’atmosphère semble imprégnée de mauvaises odeurs, de
produits chimiques insidieux. Les fleurs des Territoires gardaient plus
de pouvoir que Jack ne l’aurait cru, assez pour adoucir et purifier l’air
autour de Tansy. Le sol est aride sous ses pieds comme le vent aigre
qu’il se force à respirer tout en retournant à son pick-up. Plus il
respirera, plus vite il reviendra dans le monde commun. Son monde, qui
cependant lui paraît maintenant empoisonné.
Il n’a qu’une idée, refaire la route qui conduit jusqu’à la présence
vivifiante de Judy Marshall. Il en serait presque à penser qu’il est
amoureux d’elle, et c’est peut-être le cas. Ce qui est sûr,
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