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TERRITOIRES
l’avoir touché. Avec pour seul effet d’interrompre la course de la bête
un court moment. Les aboiements sont encore plus assourdissants, ce
qui pourrait être une queue se balance frénétiquement et une gueule
ourlée de filaments argentés se tourne vers Doc, béante. Le motard perd
courage, soudain, c’est comme si ce trou rouge allait l’aspirer ; sa main
manque de lâcher le revolver ; elle est à nouveau en train de griffonner
pesamment l’ordonnance destinée à Daisy Temperly. L’animal reprend
sa trajectoire vers Souris, que Doc entend maintenant lancer des jurons
furieux. Sur sa droite, une détonation éclate, et le silence retombe sur le
monde. « Et voilà la nuit en plein après-midi », pense Doc.
Pour Sonny, l’obscurité vient en même temps qu’une douleur
atroce monte dans sa tête et dans son ventre, tellement extrême qu’il la
croit responsable d’avoir supprimé la lumière du jour. Lui et Kaiser Bill
sont à deux mètres derrière Doc et Le Pif quand il voit son compagnon
lâcher son guidon pour se prendre le front à deux mains. La réaction ne
l’étonne pas car il a lui-même l’impression qu’une barre de fer
incandescent lui a percé le crâne et s’enfonce jusque dans son ventre.
Soudain, les yeux du Kaiser virent au blanc, et Sonny se rend compte
qu’il perd connaissance. Nauséeux comme il l’est, il veut tout de même
lui venir en aide. Mais, alors qu’il tend la main vers la moto, deux jets
de sang s’échappent des narines de son compagnon de route, qui
s’effondre sur le côté. Kaiser Bill est traîné par son engin pendant
quelques secondes, puis sa botte lâche, et la moto s’arrête dans les
fourrés.
Le rugissement fait maintenant penser à un 747 près d’atterrir, et
Sonny se dit qu’il a envie de tout sauf d’apercevoir la créature capable
de produire un son pareil. Souris n’a pas exagéré d’un poil ; c’est un
sale, un très sale endroit, à égalité avec la charmante ville de Harko,
dans l’Illinois. Un seul Harko suffirait à n’importe qui, n’est-ce pas ?
Alors pourquoi ne pas retourner dare-dare au soleil de la grand-route ?
Pourquoi avoir sorti le gros revolver de sa poche ? Simplement parce
qu’il ne va pas laisser un chien à quadriréacteur importuner ses potes,
même si sa tête est près d'exploser.
Il accélère, les yeux plissés, fixés droit sur le chemin devant lui
pour tenter de comprendre ce qui s’y passe. Quelqu’un, il ne sait pas
qui, a crié. Puis c’est le bruit trop connu d’une moto s’abattant sur le
sol. Son cœur se serre. Ses pires pressentiments se réalisent : « Le Pif
devrait toujours être le premier, toujours. Autrement, c’est
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