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LE RAVISSEMENT DE TYLER MARSHALL
La lumière a beaucoup faibli, ce qui indique que le soleil est passé
de l’autre côté de la maison et que... « Bon Dieu, combien de temps j’ai
dormi ? Et comment j’ai pu... ?»
Ah, mais il y a autre chose : les monstrueux hoquets ne sont pas
partis avec le cauchemar, ils ont suivi Fred jusque-là, encore plus forts,
au point qu’ils vont réveiller Judy, lui faire... Sa femme n’est plus
couchée à côté de lui.
Elle est assise dans le fauteuil, les yeux exorbités comme dans le
rêve de Fred. Du papier froissé émerge en bouquet de sa bouche et son
cou est gonflé de manière grotesque, évoquant à Fred une saucisse
laissée si longtemps sur le gril que la peau va se fendre.
« Du papier, pense-t-il. Elle va étouffer ! »
Il roule de l’autre côté du lit, saute au sol sur les genoux comme
dans un exercice de gymnastique et glisse jusqu’à elle. Elle n’essaie pas
d’esquiver sa main. C’est déjà ça. Elle est au bord de la suffocation,
mais ses yeux sont vides de toute expression. Deux zéros brouillés.
Fred arrache le bouquet d’entre ses lèvres. Il y en a un autre
derrière. Il enfonce les doigts pour saisir la boule de papier (« Ne me
mords pas, s’il te plaît, pense-t-il à ce moment, s’il te plaît, Judy... »), la
retire. Un troisième bouquet est là, déjà dans la gorge. Il arrive à
l’extraire aussi. Sur ce magma chiffonné, les mots « idée géniale » se
détachent, et Fred comprend qu’elle a avalé des feuilles du bloc-notes
que Tyler lui a offert pour son anniversaire.
Il la prend par les bras, la force à se mettre debout. Elle ne résiste
pas, mais, dès qu’il la relâche, ses genoux s’affaissent et elle repart en
amère, poupée de chiffon. Les hoquets n’arrêtent plus dans sa saucisse
de gorge.
— Allez, Judy ! Arrête, salope !
Il ne sait plus ce qu’il dit, l’agrippe avec la même férocité que sa
canne à pêche dans le cauchemar, la fait tourner sur la pointe des pieds
tandis qu’il la relève, ballerine perdue, l’enferme dans ses bras, les seins
de Judy frôlent ses poignets et ses fesses se pressent contre son basventre,
une position qu’il trouverait très excitante si sa femme n’était
pas en train de mourir asphyxiée.
Le pouce levé entre les seins de Judy tel un auto-stoppeur sur le
bord de la route, il prononce le mot magique en pressant brutalement
d’avant en arrière. « Heimlich », c’est sa formule, et c’est efficace :
deux boules de papier jaillissent encore de la bouche de Judy, entraînées
par un jet de vomi qui est à peine plus que de la
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