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AU PLUTONIEN RIVAGE DE LA NUIT
apprécier la conversation de Henry Leyden. Ils vont l’adorer, même. Ils
vont lui dégotter une Harley et l’emmèneront pétarader avec eux sur les
routes des environs.
Si seulement Henry pouvait l’accompagner dans son expédition à
Black House... L’impossibilité du projet lui serre le cœur. Sa présence
serait un atout et surtout, surtout, Jack voudrait qu’ils puissent partager
l’expérience pour être en mesure d’en parler ensuite, dans la confortable
chaleur du salon de Henry, tandis que la neige s’amasserait sur le toit.
Sauf qu’il est hors de question de lui faire courir pareil danger,
évidemment. Jack se reproche sa stupidité. Il en vient du même coup à
se dire qu’il n’a pas été assez confiant. Il aurait dû s’ouvrir à Henry sans
réticence, lui parler des plumes, des œufs de rouge-gorge, de son
malaise grandissant. Henry l’aurait aidé à être lucide, à combattre sa
propre cécité. C’est terminé, se jure-t-il. Plus de secrets entre eux.
Puisqu’il a le privilège de cette amitié, il dira tout à Henry, les
Territoires, Speedy... et Sophie. Les mots que Sophie lui inspirera
ajouteront au délice de la connaître. Parce que Henry est exceptionnel,
incroyable. Un homme de cette envergure, vivant dans un trou paumé
du Wisconsin, seul dans sa maison isolée, dans l’attente du prochain
chapitre de Bleak House... En prévision de l’arrivée de Jack, il aura sans
doute allumé les lampes de la cuisine et du salon ainsi qu'il le fait depuis
des années en mémoire de sa femme disparue.
« Je ne suis pas si mauvais, si j’ai un ami pareil », se dit Jack, et
tout lui semble plus beau sur sa route, les néons lointains du Sand Bar,
les champs obscurs, les trépidations métalliques du premier pont, les
lumières des fermes de la vallée, humbles, telles des chandelles
votives... Dans un silence qui lui paraît sacré, Jack se rappelle la
première fois où Dale l’a amené ici. Ce souvenir est sacré, lui aussi, et,
sans qu’il en ait conscience, les larmes coulent sur ses joues tandis qu’il
s’engage dans l’allée bordée de fleurs sauvages.
C’est peut-être sa dernière nuit, pense-t-il soudain. Demain, il peut
mourir. Il ne suffit pas qu’il soit persuadé de la nécessité de sa victoire.
Avant lui, de fiers empires et de nobles règnes ont basculé dans le néant.
Le Roi Écarlate est capable de jaillir de la Tour et de répandre son
chaos. Et Tyler Marshall ne sera plus un pauvre Casseur enchaîné à sa
rame sur la galère du purgatoire mais un super-Casseur, une apocalypse
nucléaire dont l’abbalah se servira pour transformer les mondes en
fournaises nourries par des cadavres sans nombre... «Il faudra qu’il
passe sur le mien, de
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