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TERRITOIRES
me protège des griffes du Pinson, songe-t-il souvent. S’il avait à choisir
entre terminer là-bas et se brûler la tête au lance-flammes, il n’hésiterait
pas. Et plus tard, s’il tient encore debout, son voisin et ami viendra peutêtre
le voir. Il pourra commencer à lui faire la lecture tant attendue de
Bleak House, ce bon vieux Dickens. Quelle récompense.
Il se demande combien de temps Morris Rosen arrivera à garder
son formidable secret. Il pense qu’il saura prendre les devants. Il aime
bien trop le Rat pour y renoncer avant d’y être absolument obligé. Sur
ce point, il n’y a aucun doute.
«Dean Kissinger..., soupire-t-il. Ucky Ducky... Que Dieu nous aide
! »
Il prend une dernière bouffée, expédie la cigarette dans le seau.
L’heure est venue de retourner au studio. Il doit repasser l’action de
Mark Loretta de la veille, recevoir de nouveaux appels des fanas de
sport locaux... Et pour nous, il est temps de bouger. Sept heures
viennent de sonner au clocher de l’église luthérienne.
French Landing est en pleine activité, à présent. Dans cette partie
du monde, personne ne fait la grasse matinée. Nous devons nous hâter
d’achever notre tour : il va bientôt se passer quelque chose et cela risque
d’être rapide. Mais nous n’avons pas perdu de temps, jusqu’ici, et nous
n’avons donc qu’un arrêt à accomplir avant de parvenir à notre
destination finale.
Portés par les courants d’air ascendants que le soleil réchauffe,
nous restons un moment au-dessus de l’émetteur de KDCU, assez près
pour entendre le tic-tac de la balise et le bourdonnement sourd, plutôt
inquiétant, de l’électricité qui passe dans les câbles. Notre regard est
braqué vers le nord, à la recherche de repères. À quinze kilomètres en
amont, voici la ville de Great Bluff, qui tire son nom d’une élévation
rocheuse que la rumeur dit hantée. C’est là qu’en 1888 un chef indien a
rassemblé ses guerriers, ses sorciers, ses squaws et ses enfants, et leur a
ordonné de sauter dans le vide afin d’échapper au sort affreux qui lui
était apparu en rêve. Comme ceux de Jim Jones, ses fidèles ont obéi
sans broncher.
Nous n’irons pas aussi loin, cependant. Il y a bien assez de
fantômes ici, à French Landing. Nous survolons une nouvelle fois
l’Allée des Clous, où les Harley ont disparu ; sous la conduite de leur
leader, les motards ont déjà gagné leur poste à la brasserie. Puis c’est
Queen Street, l’institution Maxton - Bumy est toujours là, à regarder par
la fenêtre... pouah ! -, et Bluff Street, et presque
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