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BIENVENUE AU PAYS DES RAVINS
le ciel est immaculé, la pelouse bien arrosée est d’un vert intense. Nul
signe de « dérapage » ici, dans cette rue tranquille, à moins que... Nous
captons une sorte de bourdonnement discordant, comme le bruit du
voltage mortel qui court dans les câbles en acier de l’émetteur radio, làbas.
Mais nous nous sommes attardés et il nous faut maintenant nous
hâter vers notre ultime destination de ce petit matin. Nous ne savons pas
tout, non, mais nous avons noté au moins trois points. D’abord, French
Landing est une ville plongée dans un terrible désarroi, ensuite,
quelques-uns de ses résidents - Judy Marshall ou Charles Burnside, par
exemple - ont le pressentiment que les maux dont il est question vont
bien au-delà des exactions d’un unique meurtrier pédophile ; enfin, nous
n’avons rencontré personne encore qui soit capable de reconnaître la
force actuellement à l’œuvre dans cette paisible bourgade assoupie au
bord du fleuve de Tom Sawyer et Huckleberry Finn : le « dérapage ».
Tous ceux que nous avons croisés sont, à leur façon, aussi aveugles que
Henry Leyden. Et c’est aussi vrai de ceux dont nous n’avons pas encore
fait formellement connaissance - Le Pif Saint Pierre, Wendell Green ou
les inspecteurs censés épauler le chef de la police locale.
Nous voulons un héros, nous l’appelons du plus profond de notre
cœur. Nous n’en trouverons peut-être pas - nous sommes au xxi e siècle,
après tout, non à l’époque des d’Artagnan mais à celle des George W.
Bush et des Dirtysperm -, et, cependant, nous pouvons rechercher
quelqu’un qui en fut un autrefois. Partons donc à la recherche d’un vieil
ami. Nous l’avons aperçu pour la dernière fois à près de deux mille
kilomètres d’ici, sur la côte de l’immuable Atlantique. En passant, les
années ont amoindri le garçon qu’il a été. Non seulement il a beaucoup
oublié, mais il a consacré une bonne part de sa vie d’adulte à se
maintenir dans cet état d’amnésie. N’empêche, il est le seul espoir de
French Landing. Alors ouvrons nos ailes et mettons le cap droit sur
l’est, par-dessus les bois, les prairies et les douces collines que nous
avons déjà survolés.
Ce sont de vastes étendues de terres cultivées, champs de maïs
alignés au cordeau, de blé luxuriant ou d’alfa compact, sillonnées de
pistes poussiéreuses qui mènent à des fermes blanches, avec leur
déploiement de hangars, de silos en béton, de granges et d’ateliers en
tôle ondulée. Des hommes en veste de toile se déplacent sur les chemins
creusés par l’usure qui relient l’habitation aux communs. Nous
percevons maintenant l’odeur du soleil, une riche mixture de
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