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TERRITOIRES
péri dans un incendie : Horst P. Lepplemier et sa femme Gertrude, âgés
de quatre-vingt-deux ans l’un et l’autre... »
« Horst P. Lepplemier, répète la mince silhouette en tirant sur sa
cigarette avec une apparente délectation ; essaie de redire ça dix fois à
toute allure, espèce d’âne. »
Derrière lui, à sa droite, la porte vient de s’ouvrir. Bien qu’il soit
placé sous le baffle, le fumeur l’a parfaitement entendue. Cachés par les
lunettes teintées, ses yeux sont morts, mais son ouïe est d’une finesse
extrême.
Le nouveau venu dans notre champ de vision est un être livide qui
cligne des paupières dans la vive lumière tel un bébé taupe qu’un soc de
charrue vient d'extraire de son tunnel. Il a la tête rasée, à l’exception
d’une crête de Mohican qui court au milieu de son crâne, prolongée par
une longue natte. La crête est teinte en pourpre, la natte en bleu vif. Une
boucle d’oreille se balance à l’un de ses lobes, un éclair de foudre qui
n’est pas sans ressemblance avec l’emblème des SS. Son tee-shirt noir
déchiré affiche la devise de la tournée 1997 d’un groupe de hard rock.
Ce pittoresque personnage tient dans une main un boîtier de CD.
— Salut, Morris, fait l’homme au chapeau sans se retourner.
L’intéressé a un petit hoquet de surprise qui révèle soudain le
brave garçon juif qu’il est réellement. Morris Rosen est le stagiaire d’été
que l’université du Wisconsin, section d’Oshkosh, a confié à la station. «
La main-d’œuvre gratuite, ça me plaît ! » a-t-on entendu Tom Wiggins,
le directeur de la radio, remarquer à plusieurs reprises tout en se frottant
les mains avec jubilation. Aucun chéquier au monde n’est plus surveillé
que celui de KDCU. On croirait Smaug le dragon accroupi sur son tas
d’or, même s’il n’y a rien de tel dans les caisses de la radio : cette station
généraliste sur ondes courtes, répétons-le, est heureuse de ne pas avoir
disparu.
L’air étonné de Morris - désagréablement étonné, pourrait-on dire -
se change en sourire.
— Waouh, Mr. Leyden ! Bonne pioche, là ! Quelle oreille !
Aussitôt, il fronce les sourcils. Car si ce Mr. Leyden a en
effet réussi à percevoir le bruit, comment diable a-t-il pu deviner qui
avait ouvert la porte ?
— Vous... saviez que c’était moi ?
— Il n’y a que deux personnes qui sentent la ganja dès le matin,
ici, réplique Henry Leyden. La première se rince la bouche
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