Télécharger (vers l`aval) livre électronique - Ebooks-numeriques.fr

AU PLUTONIEN RIVAGE DE LA NUIT
le jour où la barmaid lui a donné le détail qui a fait plonger Kinderling.
— Non, sans doute que non... Le gus avait tout un tas de raisons
de m’en vouloir, mais il est mort, forcément. Bon sang, depuis tout ce
temps, il aurait plus de quatre-vingts balais !
— Parlez-moi de lui.
— C’était un mac, répète Potter comme si cela expliquait tout. Et
il a dû avoir des ennuis à Chicago ou dans le coin, parce que, quand je
suis tombé sur lui bien après, il avait changé de nom.
— Quand est-ce que vous l’avez planté sur ce contrat, George ?
Dans le sourire de Potter, les dents sont déchaussées, une vision qui
serre le cœur de Jack parce qu’elle révèle le lent travail de la mort à
l’œuvre. Il en a la chair de poule, mais il lui rend cependant ce sourire.
Ça aussi, c’est sa manière de travailler.
— Si on doit parler de maquereautage et de plantage, vous devez
me dire Potsie.
— D’accord. Quand est-ce que c’est arrivé, Potsie ?
— Facile. Les appels d’offres sont sortis en été. Les pontes
locaux en étaient encore à gueuler contre les hippies qui avaient filé la
pâtée aux flics et au maire de Chi, donc je dirais 1969. Il se trouve que
j’étais dans les petits papiers du chef de l’urbanisme, et aussi d’une
vieille folle qui faisait la pluie et le beau temps dans la Commission du
droit au logement, ce machin concocté par notre bon maire Daley. Alors
ma candidature a été particulièrement étudiée, évidemment. Le mac, il
avait ses entrées partout, oui, mais je savais que, cette fois, j’étais mieux
placé... Alors son dossier s’égare, allez comprendre comment. Ou bien il
arrive trop tard. En tout cas, le chantier va à Potsie ! Et puis, quatre ans
plus tard, je retrouve le mac ici, sur l’appel d’offres pour Libertyville.
Sauf que cette fois y a pas de lézard, j’emporte le morceau sans coup de
pouce. Le soir où le contrat est rendu public, je tombe sur lui au bar du
Nelson, par hasard, et il me dit : « Vous êtes le type de Chicago ? » Et
moi : « Y a plein de types, à Chicago. » Bon, ce mac, il avait quelque
chose. Il vous flanquait la trouille, sans qu’on sache pourquoi. Quelque
chose. Et moi j’étais gaillard, à l’époque, mais je la ramenais pas. Même
après deux ou trois verres, j’ai préféré encaisser. Alors il me dit comme
ça : « Un type de Chicago qui m’a baisé, y en a qu’un, Potsie, et ça
continue à me faire mal, et j’oublie pas vite. » N’importe qui d’autre, je
lui aurais demandé s’il oublierait plus rapido après mon poing dans la
gueule, mais là
329