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AU PLUTONIEN RIVAGE DE LA NUIT
l’agresseur prêt à frapper, bras levés et prolongés par ce qui doit être un
taille-haie.
Tout dépend de l’effet de surprise, désormais. Et du moment où il
va s’en servir. Les deux facteurs sont cruciaux si Henry veut échapper à
une mort abominable. Avec un calme qui le surprend lui-même, il
essaie d’anticiper ce que son ouïe doit guetter, le geste d’un homme qui
s’apprête à frapper dans le dos une victime en position assise, au moyen
d’un objet contondant tel qu’un taille-haie ou un sécateur, arquant le
dos et levant les bras. Quels sons produira ce mouvement ? Frottement
des vêtements sur la peau ou sur d’autres vêtements, crissements d’une
ceinture de pantalon, peut-être, et sans doute une ultime inspiration
d’oxygène avant l’effort. Des bruits imperceptibles pour la plupart des
oreilles mais non pour celles de Henry.
Les voilà enfin, ces sons attendus. C’est alors que Henry se recule
sur sa chaise, pivote en attrapant le trophée, se lève d’un bond, et... bien
joué ! Le choc de l’impact se répercute dans son bras au moment où il
entend un grognement de douleur. « Fleur de Péché » dans les narines,
les cuisses cognant contre le bord de sa chaise, il appuie sur le cran
d’arrêt, sent la lame se libérer d’un coup sec et la projette en avant. Elle
entre dans de la chair. À vingt centimètres de son visage explose un
hurlement indigné. Il frappe encore avec la statue, retire le couteau et
l’enfonce à nouveau. Des bras osseux s’enroulent autour de son cou et
de ses épaules et une haleine fétide pénètre ses narines. Il a un frisson
de dégoût au moment même où il comprend qu’il a été blessé, lui aussi.
Une brûlure envahit le côté gauche de son dos, intense à la surface et
diffuse en profondeur. « Saloperie de taille-haie ! » pense-t-il en
assénant encore un coup de couteau, cette fois à vide. Une main brutale
s’abat sur son coude, une autre sur son épaule, elles le tirent en avant,
mais il garde l’équilibre en posant un genou sur sa chaise. Un nez
proéminent cogne contre sa tempe, manque de lui arracher ses lunettes
de soleil. Et ce qui suit est encore plus révoltant : deux rangées de dents,
coquillages ébréchés, se plantent dans sa joue gauche. Un liquide tiède
coule sur son visage et les deux scies courbes se rejoignent, emportant
un bout de chair. Malgré l’éclair de douleur, pire que celle qui lui
laboure le flanc, Henry entend distinctement le geyser de sang s’écraser
sur la figure du vieux monstre. La terreur, la révulsion et une formidable
décharge d’adrénaline lui donnent la force de se dégager et de frapper
encore.
La lame atteint le meurtrier quelque part, au bras, sans doute,
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