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AU PLUTONIEN RIVAGE DE LA NUIT
monumentale. Il se dépouille de sa chemise, qui, dans tout ce blanc,
paraît rouge vif, et la jette dans un lavabo. Un petit placard au fond de
la pièce porte l’étiquette « Pansements » ; sachant que les vieux glissent
souvent dans leurs salles de bains, le Pinson a tout prévu. Après avoir
épongé sa plaie avec des serviettes en papier mouillées, Bumy entasse
de la gaze par-dessus et la maintient tant bien que mal avec une longue
bande de sparadrap. Quand il a fini, les carreaux blancs sont
éclaboussés de sang.
Il rince sa chemise à l’eau froide, l’essore entre ses mains et la
renfile. Elle a pris une teinte rosâtre plus ou moins uniforme qui lui
convient ; le fait qu’elle lui colle à la peau n’est pas un souci, pas plus
que la couleur peu engageante qu’ont prise les chaussons volés à Elmer
Jesperson. En lui, une voix trépigne : « Blu fite, Bum-Bum, blu fite ! »
Il commet alors une erreur : il jette un coup d’œil au miroir. Bien que
très, très laid, Charles Bum-side a toujours été content de son
apparence. Un type qui connaît la vie, un type à qui on ne la fait pas,
c’est ainsi qu'il se voit ou, du moins, c’est ainsi qu’il se voyait car
l’image qu’il découvre le fige de consternation : un vieillard épuisé,
malade, cadavérique. Du genre de ceux qui font peur aux petits enfants.
« Hhhallez, Bum-Bum, il est demps de se poucher ! » Ce doit être la
lumière trop forte, se dit-il ou bien... Oh ! et puis l’autre et son « demps
» ! Bumy sait de quoi il est question : Mr. Moonshoon est pressé de
rentrer à Black House. Il est temps pour lui de rejoindre un monde que
Burny ne peut encore qu’imaginer, car il est loin de tout connaître de
cette maison immense. Un monde où des châteaux instables comme des
mirages veillent sur un paysage ravagé, où résonnent une cacophonie
industrielle, des cris de gamins torturés... Burny a hâte de rentrer, lui
aussi, mais pour des raisons plus banales : se reposer, manger quelque
plat en boîte, relire ses coupures de presse, humer cette odeur d'égout,
de chair putride et de sueur dont il ferait son eau de toilette s’il pouvait
la distiller. Et s’occuper un peu du petit Tyler Marshall, bien sûr.
Mais il y a encore des plaisirs à glaner en ce monde-ci.
Entrouvrant la porte, Bumy constate que Butch Yerxa a succombé au
surmenage, aidé par le dîner trop copieux consommé à la cafétéria. Les
bras sur son bureau, son gros menton posé sur les plis du cou, il
ressemble à une énorme poupée abandonnée sur une chaise. Le caillou
si pratique est à côté de sa main droite, mais Burnside n’en a pas besoin
puisqu’il est très bien équipé, aujourd’hui. D’ailleurs, il regrette de ne
pas avoir découvert plus tôt
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