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TERRITOIRES
— Meerde ! lâche Dale avant de se mettre à courir, suivi par les
deux autres.
Dehors, juste en face de Chez Ed, un groupe de déments se
déchaîne en tous sens, gesticulent, hurlant à pleins poumons sous les
yeux de Dit Jesperson et du Pif, trop stupéfaits pour réagir. « Mort au
Pêcheur ! Mort au salaud ! » beugle un des cinglés. « Sécurité et bière
gratos ! » vocifère un autre, imité tant bien que mal par un maigrichon
en salopette tandis qu’une harpie trop âgée pour le débardeur moulant
qu’elle arbore erre de-ci, de-là en poussant des cris d’orfraie. Leurs
mines réjouies montrent qu’il s’agit d’une blague douteuse et non de
folie collective. Ils s’amusent comme des fous, disons.
Un véhicule de la police du Wisconsin fait son apparition, suivi de
près par la Pontiac de Hrabowski. Au milieu du chaos, Henry Leyden, la
tête penchée de côté, sourit rêveusement.
Lorsqu’il voit son chef fondre sur les énergumènes, le gros Dit se
réveille enfin et vise Doodles Sanger : il a une dent contre elle depuis le
soir où, au bar du Nelson, elle avait repoussé ses avances
- elle l’avait même comparé à Tubby, le vieux chien incontinent de
l’hôtel. Il connaît également Teddy Runkleman, le grand frap-padingue
au nez cassé que Dale est en train de courser, et aussi Freddy
Saknessum, mais ce dernier est trop rapide, sans parler de l’infection
qu’il pourrait attraper en le touchant. Comme Bobby se charge du
maigrichon, il s’approche de Doodles avec l’intention de la renverser
sur l’herbe pour lui faire payer ses méchancetés.
Un instant, elle s’arrête et lui fait signe d’avancer, mutine, mais,
quand il s’élance, elle bondit de deux mètres sur la droite, dansant sur
place comme un joueur de basket.
— Tubby, Tubby, viens par ici, Tub-Tub !
Furieux, Dit attaque encore, trébuche, et Doodles s’écarte en riant.
Le gros policier hésite ; il ne comprend pas pourquoi elle se conduit
comme si elle voulait se faire arrêter. Un autre plongeon en avant, raté.
Il se redresse en essuyant la sueur sur son front et inspecte les alentours.
Si Bobby Dulac a déjà passé les menottes au freluquet, Dale et
Hollywood Sawyer en sont encore à courir après Teddy et Freddy, qui
esquivent en hurlant leurs slogans idiots. Pourquoi les vauriens sont-ils
toujours tellement souples ? Parce qu’ils ont plus d’occasions de
pratiquer leur jeu de jambes que les honnêtes gens, sans doute.
Il se précipite sur Doodles, qui passe à côté de lui en se
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