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TERRITOIRES
Freneau. Ce qui va se passer au pavillon D aujourd’hui va changer la
face des mondes.
Le cœur battant d’impatience, Jack quitte le soleil pour l’ocre
tamisé du grand hall. Les mêmes malades en peignoir sont assis sur
toutes ces chaises. Les mêmes médecins discutent à voix basse d’un cas
difficile ou de la complexité du dixième trou sur le parcours du club de
golf d’Arden. Toujours aussi attentifs, les mêmes lis dressent leurs belles
têtes devant la boutique de souvenirs. Cette immuabilité le rassure ; elle
amortit l’imprévisible qui l’attend au quatrième étage. Il presse le pas.
Le même employé à l’air las lui tend son badge de visiteur ; le
même ascenseur incongru le hisse en tremblotant là où la riche lumière
dorée paraît un peu plus sombre, le même parcours le conduit jusqu’à la
sinistre antichambre du pavillon D, et là... le sortilège n’agit plus, car la
personne qui occupe le bureau d’accueil, le gardien actuel de ces
sphères, est considérablement plus grand, plus jeune et plus désagréable
que son collègue.
Non, Jack n’est ni un parent de Mrs. Marshall ni un expert médical.
Mais il suffit de prévenir l’infirmière en chef de sa présence, et Miss
Bond lui ouvrira volontiers les portes. Vraiment ? Il se trouve que c’est
le jour de congé de Miss Bond. Et, d’ailleurs, la bienveillance de cette
dame n’a-t-elle pas été inspirée par la présence d’un proche de la famille
- du mari, même ? Effectivement. Mais il suffit de passer un coup de fil
à Mr. Marshall et celui-ci priera instamment ce jeune homme si zélé de
laisser entrer le visiteur. Sans doute, sauf que le jeune homme en
question n’est réglementairement pas autorisé à utiliser une ligne
extérieure sans autorisation expresse. Ah ? Et de quelle autorité dépendelle,
cette autorisation ? De l’infirmière en chef présente, Miss Rack.
Jack, dont le sang commence à bouillir, suggère alors au jeune
homme si zélé de contacter la respectable Miss Rack. Une telle
procédure s’avérerait une perte de temps et d’énergie, rétorque le jeune
homme si zélé, car sa supérieure n’accordera sous aucun prétexte le droit
d’entrer à un visiteur qui, faut-il le répéter, n’appartient pas à la famille
de Mrs. Marshall.
— D’accord, fait Jack, maintenant près d’étrangler
l’insupportable ergoteur. Montons d’un cran dans la hiérarchie, voulezvous
? Est-ce que le docteur Spiegleman est dans les locaux, en ce
moment ?
— Possible. Comment je le saurais ? Il ne m’informe pas de ses
faits et gestes.
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