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TERRITOIRES
semblent l’approuver en dansant dans l’air, dentelle matinale. « C’est le
Mississippi ou je ne sais plus comment ils l’appellent, là-bas, et ce sifflet,
mes amis, mes voisins, c’est... » Deux coups encore plus affirmés. Ils
viennent de très loin, mais s’il était plus près il en sursauterait presque, il
le sait... «C’est la sirène d’un bateau. Et d’un gros, encore. Un vapeur à
roues, peut-être. »
Tout en se répétant qu’il s’agit d’un rêve, il se met en marche en
direction de la route. Cette fois, la première, il laisse une trace dans les
herbes hautes, qu’il découvre en se retournant au bout d’une centaine de
mètres. La seule marque. Loin sur la gauche, presque derrière lui
désormais, il y a la grange et l’éolienne. « Ma maison et mon garage,
pense Jack. Du moins, c’est ainsi que je dis, dans le monde des
Chevrolet, du conflit au Moyen-Orient et du show d’Oprah Winfrey. » Il
avance encore. Il y a plus que de la fumée, là-bas, au sud-ouest : il y a
comme une vibration qui palpite dans sa tête tel un début de migraine
mais qui varie étrangement d’intensité - elle disparaît presque quand il
se tourne vers le nord, elle monte à l’est, elle est plus insistante que
jamais lorsqu’il fait face à elle - le tic-tac des canalisations ou le
bourdonnement d’une mouche dans une chambre d’hôtel sont toujours
plus forts une fois qu’on les a remarqués. Il pivote sur lui-même et la
vibration s’estompe, mais elle revient quand il approche de l’angle sudouest,
et l’immobilise sur place, tel le scan de recherche sur une station
radio. Elle est sourde et mauvaise comme une migraine, elle a une odeur
de fumée ancienne et...
« Non, non, pas de fumée... » À ce moment, il a vraiment l’air
d’avoir à nouveau douze ans. Il a rejoint son moi plus jeune et peut-être
meilleur. «Pas de fumée mais comme... » Il est soudain repris par ces
hoquets étouffés. Car cette odeur, non dans ses narines mais au centre
même de son cerveau, cette odeur est celle du saucisson pourri. Celle du
pied déchiqueté d’Irma Freneau.
« Je le sens, lui ! » Et ce n’est pas d’odorat qu’il est question, ici.
C’est lui qui joue avec l’intensité de la vibration, jusqu’à la faire
disparaître, s’il le veut. « Je “sens” le Pêcheur. Lui ou... Je ne sais pas. »
Il reprend sa marche, s’arrête encore. Le battement dans sa tête a
cessé, en effet, de même que certaines ondes radio ne portent plus quand
l’air gagne en température et en densité. C’est un soulagement. Bientôt il
a atteint la route, qui doit certainement mener à quelque réplique
d’Arden d’un côté, à quelque Centralia bis de
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