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TERRITOIRES
La disposition des étoiles change. Il voit de nouvelles
constellations se former. Quelle est celle-ci, qui vient de remplacer la
Grande Ourse. Serait-ce l’Opopanax Sacré ? Peut-être bien. Il capte un
son agréable, le discret grincement d’une roue, et il comprend que c’est
le moulin qu’il a aperçu le matin, il y a mille ans. Il n’a pas besoin de
vérifier du regard, pas plus qu’il ne doit porter son regard vers la ferme
pour constater qu’elle est redevenue une ferme.
« Criic, criic... » De grandes pales de bois tournent dans cette
même brise d’est, devenue infiniment plus douce, plus pure. Ses doigts
effleurent la ceinture de son caleçon et rencontrent un tissu rêche ; dans
ce monde, point de sous-vêtements Jockey. Sous son crâne, la mousse
synthétique de l’oreiller est maintenant de la plume d’oie, plus
confortable, plus accueillante.
— Je vais l’attraper, Speedy, murmure-t-il aux nouveaux dessins
formés par ces nouvelles étoiles. J’essaierai, en tout cas...
Il s’endort.
À son réveil, c’est l’aube. Le vent est tombé. Là d’où il soufflait,
l’horizon est teinté d’une bande orange vif. Jack est courbatu, trempé de
rosée, il a mal aux fesses, aussi, mais il est reposé. Le tranquille
grincement s’est tu, mais cela ne le surprend pas car, dès qu’il a ouvert
les yeux, il a pensé : ceci est le Wisconsin, à nouveau. Et il a appris
encore autre chose. Il peut revenir là-bas quand il veut. Le vrai Pays des
Ravins est juste à un pas, à un désir de l’autre. Ce constat l’emplit de
joie et de frayeur, à parts égales.
Il retourne chez lui sur ses pieds nus, l’oreiller sous le bras. Il doit
être cinq heures du matin, estime-t-il. Encore trois heures de sommeil et
il sera prêt à tout. Sur les marches, il tâte son caleçon. Presque sec. Bien
entendu. Tandis qu’il dormait à la belle étoile, comme tant de nuits
pendant l’automne de ses douze ans, cette pièce de toile n’était pas avec
lui. Elle était... ailleurs.
« Au Pays de l’Opopanax », prononce Jack. Trois minutes plus
tard, il s’est rendormi, cette fois dans son lit. Et quand il se réveille, à
huit heures, sa chambre est baignée par le soleil du bon sens. Il pourrait
presque croire que son voyage n’a été qu’un rêve. Mais son cœur ne se
trompe pas, lui.
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