27.06.2013 Views

Télécharger (vers l`aval) livre électronique - Ebooks-numeriques.fr

Télécharger (vers l`aval) livre électronique - Ebooks-numeriques.fr

Télécharger (vers l`aval) livre électronique - Ebooks-numeriques.fr

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

BIENVENUE AU PAYS DES RAVINS<br />

ainsi ce rictus. Il commence à chuchoter. Que dit-il ? « Se plottis-sent<br />

dans leurs drous bleins de zang, se gouvrent les yeux, ils sanklotent de<br />

derreur, mes bauvres bébés berdus... Mais ça zert à rien, bas vrai ? Oh,<br />

les bachines, là, ouuui, oh, les bagnifiques, bagnifiques bachines ! Sur le<br />

veu, là, bagnifiques, comment qu’ils doument et doument, comment<br />

qu’ils prûlent... J’ vois un drou, ouuuiii ! Oh, za prille tellement autour<br />

des bords tout blissés comme ça... »<br />

C’est peut-être Cari Bierstone qui s’exprime dans ces divagations,<br />

mais elles ne nous aident guère, elles non plus. Suivons le regard trouble<br />

et boueux dans l’espoir de découvrir ce qui a pu plonger le vieux coquin<br />

dans une telle excitation mentale. Et physique, ainsi que le trahit la bosse<br />

qui déforme le drap. Le Pinson et Bumy paraissent être sur la même<br />

longueur d’onde, à cet instant précis, puisque l’un et l’autre sont<br />

maintenant au garde-à-vous. La seule différence, c’est que l’un a<br />

bénéficié des soins experts de Rebecca Vilas pour parvenir à cet état<br />

alors que Bumy n’a besoin que de la vue que l’on aperçoit de sa fenêtre.<br />

Elle ne vaut pas Miss Vilas, autant le dire tout de suite. Le cou<br />

soutenu par un oreiller, Charles Burnside contemple intensément une<br />

brève portion de pelouse qui s’étend jusqu’à une rangée d’érables<br />

plantés en lisière d’un bois très dense. Les têtes feuillues des chênes<br />

dominent les <strong>fr</strong>ondaisons, quelques troncs de bouleaux luisent telles des<br />

bougies dans l’obscurité végétale. À voir la taille des arbres et leur<br />

di<strong>vers</strong>ité, nous comprenons que nous avons devant nous les restes de la<br />

grande forêt continentale qui couvrait jadis cette partie du pays. Comme<br />

tous les vestiges de ces temps-là, les bois qui s’étirent au nord et à l’est<br />

de la propriété de Maxton parlent de profonds mystères, mais leur voix<br />

est si basse qu’elle en devient presque inaudible. Sous le dais de verdure,<br />

la sérénité des siècles recèle des bains de sang, la mort, invisible mais<br />

persistante. La violence se déploie dans les moindres détails de ce<br />

paysage silencieux qui ne s’arrête jamais, mû par une glaciale lenteur.<br />

La terre scintillante couvre des millions d’ossements éparpillés en<br />

couches successives. Ici, tout ce qui pousse prospère sur la pourriture.<br />

Des mondes cachés tournent dans d’autres mondes, des uni<strong>vers</strong><br />

catégoriques bourdonnent côte à côte, s’ignorant mutuellement,<br />

apportant abondance ou ruine à leurs insoupçonnés voisins.<br />

Est-ce ces bois que Bumy admire ? Est-ce ce qu’il voit en eux qui<br />

le réjouit tant ? Et, d’ailleurs, est-il seulement éveillé, ou bien est-ce Cari<br />

Bierstone qui se tapit derrière ces yeux bizarres ?<br />

39

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!