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LE RAVISSEMENT DE TYLER MARSHALL
pris des Slurpee en plus des cartes, et qui sont restés un moment à la
porte avec leurs vélos. Rajan Patel se garde de mentionner les gros mots
qu’ils ont criés, même si leur vocabulaire l’a marqué plus que leurs
visages. Ils sont partis après un moment.
Fred boit du café, machinalement, dans une tasse qui lui paraît
avoir surgi de nulle part. Son esprit se brouille de nouvelles inquiétudes.
« Trois garçons », a dit le caissier. Bon, et alors ? « Ça ne veut rien dire
! » Ou bien si ? Est-ce qu’il se serait fait contaminer par les bizarreries
de Judy comme par un germe niché dans la maison ? Ah, tout ça est
absurde...
Rajan Patel est incapable de décrire le trio, et Fred n’en est pas trop
étonné. L’un d’entre eux était plutôt gros, croit-il se rappeler, mais ce
n’est même pas sûr. Il est désolé, il voit tant de monde passer... Fred lui
dit qu’il comprend, et c’est vrai, mais toute la compréhension du monde
ne suffit pas à dissiper sa peur.
Trois garçons. Pas quatre.
L’heure du déjeuner est venue, mais il n’a pas du tout faim. Le
lumineux silence règne toujours. Les toiles d’araignée continuent à se
tisser dans sa tête. « Ty est parti. Gorg l’a... » Bêtises ! Et, pourtant, les
poils de ses bras se sont hérissés à ce souvenir. Il repose sa tasse d’un
geste furieux. Il va ramasser tout ce verre cassé, voilà ce qu’il va faire.
Voilà la mesure à prendre, dans l’immédiat. Oui ? Celle que la logique
commanderait vient lui traverser l’esprit pendant qu’il remonte
l’escalier. Des parents hystériques qui appellent la police parce qu’ils
ont perdu de vue leur progéniture depuis une heure, cela ne doit pas
manquer, à French Landing. La dernière fois qu’il a croisé Dale
Gilbertson, le policier avait l’air sur les rotules. Fred n’a pas envie d’être
une partie du problème, mais plutôt de contribuer à la solution.
Quatre, pas trois.
Armé du balai et de la pelle qu’il a pris dans le placard de la
laverie, il se met à l’œuvre. Lorsqu’il a terminé, il retourne surveiller
Judy, qui dort encore, plus profondément que jamais, semble-t-il. Il se
rend dans la chambre de Tyler. Si le gosse la découvre dans cet état, il
va vraiment penser que sa mère est... « Ne t’inquiète pas pour ça,
chuchote une voix en lui. Il ne va pas voir sa chambre ce soir, ni
demain, ni jamais. Gorg l’a envoûté et l’Abbalah... »
Assez, se commande-t-il. Assez de faire la vieille bonne femme.
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