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LE RAVISSEMENT DE TYLER MARSHALL
faim, moi ! Tu es trop lent, en cuisine. Moi, j’aurais déjà fini depuis dix
minutes.
— Du calme ! Ça vient. C’est juste que ta cuisine est organisée
n’importe comment.
— Pardon ? C’est la plus pratique de tout le continent. Du
monde entier, peut-être.
Après avoir esquivé une discussion inutile avec Dale, Jack avait
cédé à une impulsion : il avait téléphoné à Henry pour lui proposer de
se charger du dîner. Deux beaux steaks, une bonne bouteille, des
champignons au gril et une jolie salade ; il pourrait prendre ce qu’il
fallait puisqu’il était en ville. À trois ou quatre reprises, déjà, Jack s’est
mis aux fourneaux pour Henry. Une fois, celui-ci lui avait rendu la
politesse, lui offrant un dîner extraordinairement bizarre, la femme de
ménage ayant interverti par mégarde la place des divers pots à épices.
Il est arrivé chez Henry à 20 h 30, l’a salué, a déposé ses emplettes
et son exemplaire de Bleak Huuse, puis il a débouché le vin et il a
rempli deux verres avant de se mettre au travail. Il lui a fallu un moment
pour redécouvrir l’excentrique rangement de la cuisine, selon lequel les
ustensiles étaient regroupés non par type
- les marmites avec les marmites et ainsi de suite - mais par genre de
préparation auquel ils devaient servir. Par exemple, si Henry avait envie
d’une truite grillée et de pommes vapeur, il savait quel placard ouvrir.
Devant cette organisation en quatre groupes fondamentaux, viande,
poisson, volaille et légumes, eux-mêmes subdivisés à l’infini, Jack était
souvent perdu. Tandis qu’il cuisinait en tâtonnant dans les rayonnages,
Hemy dressait le couvert pour deux. Enfin il s’était assis pour soumettre
son ami à un interrogatoire.
Les steaks - saignants - sont maintenant sur les assiettes, entourés
de champignons émincés. Un énorme saladier en bois trône au milieu
de la table. Après avoir complimenté le chef et savouré une gorgée de
vin, Henry reprend la conversation.
— Puisque tu ne veux pas parler de tes ennuis, tu pourrais au
moins me raconter ce qui s’est passé là-bas. Je suppose que la thèse
d’un autre enlèvement ne fait plus de doute ?
— Pratiquement pas, hélas. Il s’agit de Tyler Marshall. Son père,
Fred, travaille chez Goltz. Tu le connais ?
— Voilà un moment que je n’ai pas acheté de moissonneusebatteuse.
— Il m’a tout de suite plu, Marshall...
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