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1.3 - Les motivations du spéléologue et l'image de la spéléologie
Il ne faudrait pas cependant que le lecteur ait de notre activité une vision par trop
négative. Les accidents existent, c'est un fait objectif et indéniable, mais ils sont trop souvent
la seule occasion que les médias saisissent pour parler de notre activité. En spéléologie
comme dans la dizaine d'autres activités de plein-air que nous avons pu pratiquer (ce qui
laisse à penser que cette remarque est généralisable), nous avons constaté que la prise de
risque s'accompagnait d'un exorcisme de la peur, prenant souvent une forme paradoxale.
La veille du grand soir, la veillée au refuge se passe souvent à se raconter des histoires
abominables, normalement suffisantes pour décourager le débutant le plus motivé, voire le
rejeter à l'extérieur du groupe, ce qui serait moins difficile à gérer. C'est la plus nette
manifestation du plaisir à se faire peur qui semble animer la plupart des pratiquants, ce que
CYRULNIK (1990) appelle "l'érotisation de l'angoisse". Il n'en reste pas moins certain que si
des gens consacrent, pour quelques-uns tout du moins, tant de temps pour aller se mettre
dans des conditions de vie apparemment inhumaines, il faut bien que la profondeur des
motivations soit à la mesure des obstacles rencontrés et qu'ils en retirent quelque chose.
Nous allons donc reprendre ce que nous avons pu apprendre, dans l'état de la littérature
spécialisée, des motivations du spéléologue, faire le tour des données psychologiques dont
nous disposons.
La première difficulté que l'on rencontre en abordant les motivations du spéléologue
est de définir ce qu'on entend par motivation. Ce n'est pas si simple, car THILL (1989, p 11),
citant KLEINGINNA, ne relève pas moins de 140 définitions de cette notion. Nous
reprendrons celle proposée par NUTTIN (1980, p 11), qui nous paraît éclairante :
"Le psychologue... considère la motivation comme l'aspect dynamique de l'entrée en
relation d'un sujet avec le monde. Concrètement, la motivation concerne la direction active
du comportement vers certaines catégories de situations ou d'objets."
Contrairement à certains auteurs (THILL 1989), nous ne pensons pas qu'on puisse
comprendre les motivations des spéléologues si l'on n'admet pas qu'il existe, pour un
comportement observé (la pratique de la spéléologie en l'occurrence), un ensemble de
causes conscientes, explicites, accessibles par un instrument relativement simple à manier
comme un questionnaire, et un ensemble de causes inconscientes, dont l'approche doit se
faire par la méthode clinique et qui sont beaucoup plus délicates à généraliser. En effet, par
essence, la méthode clinique ne s'adresse qu'à des individus, en nombre limité à cause de
la lourdeur de la démarche et par le fait que le chercheur doit avoir une compétence
affirmée. Les deux approches des motivations des spéléologues ont été tentées, l'approche
psychosociale d'une part, l'approche clinique d'autre part. Nous en envisagerons
successivement les résultats. Il faudra aussi préciser à quelle frange de la population
pratiquant la spéléologie l'on s'adresse, car il existe des types de pratiquants très différents