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1.1. L’entretien du matin, un genre scolaire ?<br />
Les vingt corpus recueillis dans <strong>le</strong>s quatre classes de l’éco<strong>le</strong> Freinet et <strong>le</strong>s classes issues de<br />
deux éco<strong>le</strong>s non Freinet présentent une caractéristique commune : ce sont des moments de<br />
regroupement des élèves autour d’une activité col<strong>le</strong>ctive où <strong>le</strong> langage fait <strong>le</strong> lien entre une<br />
activité individuel<strong>le</strong> et une situation col<strong>le</strong>ctive d’écoute, où <strong>le</strong> lieu commun d’interventions<br />
construit par l’enseignant est aussi un lieu de développement d’une paro<strong>le</strong> individuel<strong>le</strong> et<br />
d’interactions possib<strong>le</strong>ment multip<strong>le</strong>s entre élève et enseignant ou entre élèves et élèves,<br />
mais toujours sous <strong>le</strong> regard de tous. Le contenu et l’organisation de ces activités sont décrits<br />
ci-dessous, mais il nous semb<strong>le</strong> intéressant, pour démarrer, d’interroger <strong>le</strong>s noms donnés<br />
par <strong>le</strong>s institutrices à ces moments de classe. Les maîtresses de l’éco<strong>le</strong> Freinet désignent<br />
toutes ces moments par <strong>le</strong> terme « entretien » qui semb<strong>le</strong> être un terme qui peut alterner avec<br />
celui de « regroupement », « quoi de neuf ? » « moment de langage » ou « présentation »<br />
mais qu’el<strong>le</strong>s ont choisi pour se différencier du « quoi de neuf » plus caractéristique peutêtre<br />
de ce qui se passe à l’éco<strong>le</strong> élémentaire. Les activités qui s’y dérou<strong>le</strong>nt sont clairement<br />
identifiées comme spécifiques à ce moment (Delcambre, 00 c) distingué par la maîtresse<br />
D comme distinct des « activités de classe ». Les deux maîtresses non-Freinet n’utilisent<br />
pas de terme spécifique pour décrire <strong>le</strong>s situations observées dans <strong>le</strong>ur classe : l’une par<strong>le</strong><br />
de « séquence » en associant ce terme à l’expression « échange col<strong>le</strong>ctif », l’autre par<strong>le</strong> de<br />
séquence ou de séance. El<strong>le</strong>s n’utilisent pas spontanément <strong>le</strong> terme de rituel.<br />
Le rituel, tel qu’il est identifié dans la tradition de l’enseignement en maternel<strong>le</strong> (cf. <strong>le</strong>s exemp<strong>le</strong>s<br />
de rituel autour de l’appel que l’on trouve illustré dans <strong>le</strong>s documents d’accompagnement<br />
des programmes publiés en 00 ) est mis à distance par <strong>le</strong>s institutrices de l’éco<strong>le</strong> Freinet.<br />
El<strong>le</strong>s disent explicitement <strong>le</strong> refuser avec l’argument que la répétition des rituels (autour de<br />
la météo, de la date) n’engendre pas de plaisir (entretien avec la maîtresse de la classe D)<br />
à la différence d’une autre activité rituel<strong>le</strong> pratiquée par cette maîtresse, <strong>le</strong> regroupement<br />
autour d’une chanson accompagnée à la guitare par la maîtresse el<strong>le</strong>-même. Le rituel de la<br />
date peut cependant être pratiqué et considéré comme intéressant par une autre maîtresse<br />
de cette même éco<strong>le</strong> (classe E).<br />
Cependant, <strong>le</strong>s activités menées dans <strong>le</strong>s entretiens du matin sont souvent présentées<br />
comme rituel<strong>le</strong>s ou ritualisées : c’est <strong>le</strong> cas des chansons, accompagnées ou non de la<br />
guitare (classe A et D), du questionnement qui fait suite aux présentations (classe E), de<br />
l’aimant qui se déplace au tab<strong>le</strong>au <strong>le</strong> long de la liste des élèves inscrits pour faire une<br />
présentation (classe D) : il y a bien des activités ritualisées, et perçues comme tel<strong>le</strong>s par <strong>le</strong>s<br />
maîtresses, mais il y a chez el<strong>le</strong>s tout autant un refus d’une structure qui s’appel<strong>le</strong>rait ainsi.<br />
Le terme entretien semb<strong>le</strong> faire consensus entre el<strong>le</strong>s (réunion à l’éco<strong>le</strong>, octobre 00 ),<br />
il marque <strong>le</strong> caractère langagier et discursif de la situation, la maîtresse B disant parfois<br />
qu’el<strong>le</strong> « s’entretient » avec <strong>le</strong>s élèves.<br />
Dans la classe F de l’éco<strong>le</strong> Provinces, de même, des activités sont nommées par la maîtresse<br />
comme habituel<strong>le</strong>s : l’anniversaire du jour, la « comptine des jours », expression qui désigne<br />
l’établissement de la date, etc.<br />
Ces quelques remarques peuvent s’achever sur <strong>le</strong>s réf<strong>le</strong>xions suivantes : <strong>le</strong> terme de rituel<br />
ne semb<strong>le</strong> pas avoir la faveur des enseignantes, quel<strong>le</strong> que soit l’éco<strong>le</strong> où el<strong>le</strong>s enseignent.<br />
El<strong>le</strong>s mettent bien en place, cependant, des activités qui se répètent, et dont la fonction<br />
doit être interrogée. À côté d’une fonction pédagogique classique, répéter pour apprendre,<br />
<strong>le</strong>s phénomènes ritualisés renvoient à l’institutionnalisation de rô<strong>le</strong>s et de places. Le rituel<br />
selon Bourdieu ( ) est un « acte d’institution » qui rend visib<strong>le</strong> une ligne de démarcation<br />
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