Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
de l’entretien.<br />
Pour aborder ces comparaisons, nous nous proposons de partir de comparaisons établies<br />
deux à deux entre deux élèves repérés pour <strong>le</strong>urs points communs.<br />
0<br />
2.1. Justine et Inès<br />
Justine et Inès ont changé d’éco<strong>le</strong> sans que des raisons dramatiques en soient <strong>le</strong> motif.<br />
Justine a changé de groupe scolaire, parce que <strong>le</strong>s classes de l’éco<strong>le</strong> élémentaire sont<br />
regroupées en trois lieux. Inès a déménagé, ses parents étaient intéressés par la pédagogie<br />
F et lui ont demandé son avis. Inès était « classée » dans <strong>le</strong> premier groupe des élèves dont<br />
<strong>le</strong> discours révè<strong>le</strong> des liens explicites et des formes de recul intéressantes.<br />
Toutefois <strong>le</strong> rapprochement va faire ressortir un certain nombre de fragilités. Toutes <strong>le</strong>s deux<br />
ont parfois une certaine manière de par<strong>le</strong>r de <strong>le</strong>urs difficultés. Justine rit beaucoup, Inès<br />
glisse rapidement d’un événement à un autre. On peut même dire qu’el<strong>le</strong>s ont en commun<br />
certaines façons de ne pas dire ouvertement ce qui est douloureux. Ainsi pour Justine « <strong>le</strong><br />
noir » semb<strong>le</strong> lié à un événement particulier dont el<strong>le</strong> ne par<strong>le</strong> pas. « Des fois, ça m’arrive<br />
d’al<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong>s tracteurs avec papa… des fois ouais surtout pendant <strong>le</strong>s vacances parce<br />
qu’après l’éco<strong>le</strong> ça fait un peu tard et il fait noir (tu as peur du noir ?) hum, un peu, pas<br />
beaucoup ça dépend des fois… y a rien qui me fait peur, enfin rien de spécial, j’aime pas<br />
la cou<strong>le</strong>ur noire c’est tout ». Suit alors un si<strong>le</strong>nce, ce qui est très rare pour Justine qui <strong>le</strong>s<br />
« meub<strong>le</strong> » en riant, et el<strong>le</strong> ajoute « c’est surtout <strong>le</strong>s bruits que j’entends et que je vois pas<br />
qui me font peur ». Inès dit à propos du quoi de neuf : « j’adore ça parce que ben c’est <strong>le</strong><br />
moment où on peut raconter un peu notre vie… des événements importants comme, je sais<br />
pas, ta meil<strong>le</strong>ure copine qui a déménagé en Belgique ou bien des trucs comme ça (ça t’es<br />
arrivé que tu aies une bonne copine qui a déménagé en Belgique ?) non jamais mais il y a<br />
eu un autre événement mais c’est pas du tout la même chose (et tu as pu <strong>le</strong> raconter ?) de<br />
quoi ? (cet autre événement…) oui j’ai pu <strong>le</strong> raconter tandis qu’avant à mon ancienne éco<strong>le</strong><br />
ben il y avait aussi d’autres événements comme quand j’avais changé de voiture et tout ça<br />
ben je sais pas, ça je pouvais pas <strong>le</strong> dire directement à la classe ». On voit dans <strong>le</strong>s deux<br />
cas comment <strong>le</strong> discours recouvre de manière adroite l’événement douloureux non-dit.<br />
D’autres fragilités vont aussi être visib<strong>le</strong>s par la comparaison. Toutes deux voudraient « tout<br />
à la fois » : Pour Inès, être dans cette éco<strong>le</strong> mais participer à la classe de neige de l’autre<br />
éco<strong>le</strong> avec <strong>le</strong>s copines « qui ont de la chance » pour Justine, être grande et profiter des<br />
droits des petits : « quand on est grand, on peut pas se cacher sous une tab<strong>le</strong> alors que<br />
quand on est petit, on peut »… allusion aux droits selon Justine, dont jouit la petite sœur. La<br />
marque des événements douloureux, <strong>le</strong>s envies de tout à la fois, se spécifient aussi dans<br />
<strong>le</strong> refus de partir et la peur de perdre… ceux qu’on aime, surtout. Inès dira à propos d’une<br />
copine partie « je la revois pas, non c’est ça aussi qui est dommage quand il y a des gens<br />
qui partent au collège on <strong>le</strong>s revoit plus, on perd contact et puis après on se revoit plus du<br />
tout. » Justine livrera sans doute quelque chose de fort, à mots cachés sous une boutade,<br />
en disant d’abord<br />
« j’aime pas <strong>le</strong> déplacement même quand c’est pour partir en vacances… j’aime pas trop…<br />
surtout quand c’est loin… j’aime bien ma maison, alors je veux pas partir. On perd ses<br />
camarades, sa maîtresse, sa mamie et son pépère. Ah non je veux pas partir… parce que<br />
la campagne c’est mieux que la vil<strong>le</strong>, c’est moins pollué, on respire l’air frais ! »<br />
Toutefois des différences vont se marquer entre ces deux discours. El<strong>le</strong>s ont trait d’abord<br />
<strong>IUFM</strong> Nord-Pas de Calais