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personne de la cantine remarque également un changement : « nous on voit très bien, ils
sont beaucoup plus agréables, ils sont terribles parfois, mais d’une gentillesse… moi j’étais
absente la semaine dernière “qu’est-ce que t’as eu ?” ils s’inquiètent, avant on n’était pas
là, c’était pas grave. »
Un sentiment de mystère semble toutefois planer sur cette manière de faire. Quel pouvoir
ont ces enseignants pour transformer les enfants ? Ils ont présenté leur pédagogie mais
sans en dire plus… De quel mystère s’entourent-ils ? D’ailleurs une ADSEM réclamait plus
de transparence dans ces termes là : « c’est, la seule chose qui reste une petite barrière,
je trouve, pour moi je trouve que c’est une petite barrière, je demande pas à avoir leurs
secrets, hein, il en est hors de question », réflexion qui trouve un écho dans une forme
d’humour utilisée par un enseignant qui ressent sans doute difficilement sa position d’être
« comparé » : « s’il y a un secret il faut me le dire ». Le maître E arrivant en 00 dira aussi :
« les enfants ne sont pas, on aurait tort de croire qu’ils seraient à la rigueur plus faciles ».
Beaucoup d’éléments interviennent dans ces remarques : l’ambiance est bien quelque
chose de fondamental dans le rapport de ces professionnels à leur travail : spontanément ils
comparent l’ambiance « ici » et « ailleurs », ou l’ambiance actuelle à l’ambiance « avant ».
L’ambiance est ancrée dans l’espace-temps, mais elle n’est pas extérieure au soi : dire
comment on ressent cette ambiance, comment on la vit, et chercher à la comprendre, à
l’expliquer est tout aussi spontané.
1.1. Le changement comme révélateur de la construction du « soi »
C’est alors que le concept d’image inconsciente du corps forgé par Dolto ( ) s’impose.
Ce concept parle du ressenti du corps quand ce corps est actif et éprouve des sensations
olfactives, auditives, tactiles… en relation avec quelqu’un. Elle est personnelle à chacun et
se forge avec les premières relations de l’enfant avant qu’il ne sache la dire et même avant
qu’il ne reconnaisse son image dans le miroir. Selon Dolto il faudrait considérer trois familles
d’images inconscientes du corps en relation dynamique l’une avec l’autre : l’image de base,
l’image fonctionnelle et l’image érogène en rapport respectivement avec la stabilité du corps,
le désir et le plaisir. L’image est dite inconsciente non seulement parce que l’enfant n’a pas
de souvenir de sa construction mais surtout parce qu’elle prend les qualités de l’inconscient :
elle ne se révèle pas à la mémoire mais agit de façon déguisée. De fait cette image suit
chacun de nous toute sa vie et se traduit par la façon que nous avons d’entrer en relation
avec l’autre. Nasio commentant les propos de Dolto, au congrès national des psychologues
scolaires de ajoutait : « Comment entrer en relation avec un jeune patient dont les
mots, les dessins et les attitudes n’offrent aucune prise ? Nous postulons que, derrière les
mots, les dessins et les attitudes, il existe un langage très spécial grâce auquel l’enfant et
l’analyste pourront communiquer… Nous croyons que les sensations que cet enfant de la
séance a vécues lorsqu’il était bébé, se sont imprimées dans son inconscient et organisées
en un langage interne, corporel et muet que nous pouvons – nous analystes – capter, traduire
et parler. » Et Nasio de raconter à la fin de sa conférence l’histoire de Clara, « le bébé qui
veillait sur sa mère » Clara n’avait pas régressé à un stade précédent, elle était projetée
en avant pour protéger cette mère inconsolable de la mort de sa sœur qui s’était suicidée
quelques mois plus tôt. Nasio concluait : « En lui parlant la langue de l’image inconsciente
du corps ‘je m’occupe de ta mère, tu peux dormir tranquille‘ je lui ai redonné une base et lui
ai signifié : ‘reviens à toi, retrouve ton état de nourrisson, repose-toi ».
En effet, ici il ne s’agit pas de thérapie mais de recherche ; la demande et la finalité sont
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