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chaud, se construisant sur la peur se mêlant parfois à d’autres émotions comme la colère,<br />
l’exaspération, la priorité étant de se sortir de la situation péril<strong>le</strong>use, au mieux, en sauvant<br />
la face, au pire en se protégeant tant bien que mal.<br />
Un autre incident (année ) a produit une forte activité de l’équipe pédagogique. Certains<br />
des éléments mis en avant dans <strong>le</strong> discours des maîtres Freinet sont similaires à ce qui<br />
apparaît comme constitutifs du ressenti de vio<strong>le</strong>nce dans <strong>le</strong>s incidents relatés par <strong>le</strong>s<br />
autres enquêtés : l’imprévisibilité et <strong>le</strong> profond fossé par rapport aux règ<strong>le</strong>s qui régissent <strong>le</strong>s<br />
situations, comme si l’imprévisibilité était <strong>le</strong> prémisse à l’entrée dans l’univers de la vio<strong>le</strong>nce<br />
alors que la vio<strong>le</strong>nce était assimilée à la suspension d’un ordre, cette suspension donnant<br />
<strong>le</strong> sentiment d’être vulnérab<strong>le</strong> à la personne qui la vit, la projetant dans un espace-temps<br />
hors normes. C’est ce qui explique <strong>le</strong> sentiment que la situation échappe au contrô<strong>le</strong>, autre<br />
élément qui contribue à vivre l’incident comme une vio<strong>le</strong>nce. Le discours ci-après fait aussi<br />
apparaître l’incrédulité de l’enseignant, l’incompréhension de l’incident et un comportement<br />
perçu d’abord comme inaccessib<strong>le</strong> à l’entendement.<br />
« c’était arrivé à un moment où on ne s’y attend pas »<br />
« Enfin moi, c’était la première année avec <strong>le</strong> père E., là, t’as entendu par<strong>le</strong>r ? Ouais, ouais,<br />
c’était assez délirant. Je crois que c’était déjà, ça avait déjà commencé là, là… j’étais pas encore<br />
arrivé, c’était <strong>le</strong> président de l’APE [association des parents d’élèves], c’est assez rigolo. C’est<br />
marrant c’était arrivé à un moment où on ne s’y attend pas. Et puis parce que c’est tel<strong>le</strong>ment aussi<br />
aberrant que, tu vois, tu vois que, enfin je sais pas trop comment répondre, on est dans l’absurde,<br />
<strong>le</strong> mensonge que je sais pas quoi dire, t’as du mal à trouver <strong>le</strong>s ficel<strong>le</strong>s. Alors <strong>le</strong> tout début, en<br />
fait c’était assez rigolo. C’est donc monsieur E. qui est venu râ<strong>le</strong>r à une heure et demi, à l’accueil,<br />
à h 0 parce qu’en fait j’avais mis son fils… Il était venu me voir personnel<strong>le</strong>ment quoi. Il avait<br />
dit : « vous avez mis mon fils sur <strong>le</strong> côté à la récréation, cinq minutes parce qu’il se battait, en fait<br />
il se battait pas, il essayait de défendre quelqu’un et donc c’est une preuve que la récré, el<strong>le</strong> est<br />
pas bien surveillée ». Enfin, « vous surveil<strong>le</strong>z pas bien la récré » et donc je sais pas, on sentait<br />
un peu l’agressivité chez lui, c’était <strong>le</strong> mec qui avait envie d’en découdre ou je sais pas, tu vois.<br />
Enfin moi je lui rappel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s faits, tu vois, ce qui s’est passé à la récré. Alors, au bout de la cour il<br />
y avait deux grands qui se battaient et son fils à lui qui essayait d’en chopper un par derrière, de<br />
<strong>le</strong> plaquer par terre (rire). Donc moi je <strong>le</strong>s ai séparés, je <strong>le</strong>s ai mis cinq minutes sur <strong>le</strong> côté, « bon<br />
vous vous calmez et vous irez jouer après ». Tu vois c’était ça (rire). » (CE , année ).<br />
« pourquoi ça prend de l’amp<strong>le</strong>ur cet incident ? »<br />
Suite de l’extrait précédent : « Donc, tu vois, déjà <strong>le</strong> type, c’était bizarre quoi, pourquoi ça prend<br />
de l’amp<strong>le</strong>ur cet incident ? Et M. [enseignant de CM ] était avec moi, M. s’est approché, tu vois,<br />
et <strong>le</strong> père qui est coincé dit « ben voilà, je vais al<strong>le</strong>r au rectorat porter plainte, que la récréation,<br />
<strong>le</strong>s récréations sont pas surveillées ». Enfin, tu vois, c’est ça, moi j’avais du mal à m’énerver. Par<br />
contre M., tu vois, il était énervé, il é<strong>le</strong>vait la voix, tu vois, il était sorti de ses gongs quoi, pis <strong>le</strong><br />
mec : « je vais al<strong>le</strong>r au rectorat, je vais al<strong>le</strong>r rectorat », tu vois. »<br />
« après, tout ça était monté en bou<strong>le</strong> de neige »<br />
Suite de l’extrait précédent : « Et tu vois, donc on savait pas trop. Et <strong>le</strong> père derrière a continué<br />
son histoire, il est allé dire, soit disant, moi j’avais pas d’enfant à lui dans ma classe hein ! Que moi<br />
j’avais traumatisé <strong>le</strong>s enfants parce que j’avais parlé, je sais plus, de la mort. Je parlais de la mort,<br />
voilà, je sais pas quoi, j’avais parlé de la mort. Je me souviens plus d’avoir parlé de la mort, alors<br />
c’est possib<strong>le</strong> qu’un enfant à l’entretien qui ait raconté un truc… Mais, tu vois, même moi j’avais<br />
pas souvenir de ça, donc tiens on a évoqué <strong>le</strong> sujet ou pas ? Donc soit disant voilà, moi j’avais<br />
traumatisé la classe en parlant de la mort. Donc j’apprenais par lui, oui c’est ça par lui ou je sais<br />
plus quoi, aucun parent de la classe n’était venu me voir, tu vois. Pis après, tout ça était monté<br />
en bou<strong>le</strong> de neige. Après il en voulait à D. [enseignante de CP], sa fil<strong>le</strong> était chez D. Il en voulait<br />
à D. parce que D. pff… je sais pas… qu’el<strong>le</strong> avait parlé de la sexualité ou des positions pour faire<br />
l’amour, enfin tu vois, bref tu vois, pis après S. [enseignant de CM et directeur] parce qu’il avait<br />
pas, il faisait pas Char<strong>le</strong>magne en histoire. Enfin, tu vois, après des trucs comme ça. »<br />
Une similitude encore avec <strong>le</strong> vécu des autres enquêtés réside dans <strong>le</strong>s conséquences.<br />
<strong>IUFM</strong> Nord-Pas de Calais