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assine, là-bas [dans des saladiers] »), ne semble pas construire pas un vrai problème pour
les élèves ; mais elle est suivie immédiatement par une demande de réflexion anticipatrice
(« on va faire comment pour mettre l’eau là-bas ? ») et par un refus par la maîtresse de la
solution évidente (« prendre une bouteille »), refus qui va aboutir à l’idée de transporter
l’eau avec ses mains : c’est une première expérience d’une solution qui va poser elle-même
problème (il y en aura d’autres dans cette séance).
Les élèves de F. pendant les premières vingt minutes remplissent des gobelets avec l’eau
du grand bac devant lequel ils sont installés, puis la transvasent d’un pot à un autre pot ;
parfois la maîtresse suggère de dénombrer les pots remplis et rangés sur le bord du bac, ou
de dire combien la bouteille permet de remplir de pots (conservation des quantités). Enfin
elle formule la consigne de travail : « Il y a une bassine, vous prenez ce que vous voulez et
vous allez le renverser dans une des deux bassines ».
Les élèves de J. manipulent pendant cinq minutes de petits ciseaux de métal, et observent
les mouvements des lames quand on écarte ou resserre les doigts, puis ils observent une
paire disjointe pour identifier l’endroit du pivot qui permettrait de la reconstituer. Quand la
maîtresse place sur la table des branches de ciseaux disjointes en carton avec des attaches
parisiennes ou des barres de plastique et des écrous, issus d’un jeu de construction, elle
donne la consigne « on va essayer de faire des ciseaux ».
Le rapport entre consigne et manipulation est donc différent, de même le sens de la
manipulation : la consigne de S. est une consigne pour manipuler, elle ouvre toute une série
de problèmes liés au fait que la solution immédiate (« prendre une bouteille ») est refusée
par la maîtresse. Chez F., la consigne suit un temps long de manipulation libre des élèves,
accompagné de questions abondantes de la maîtresse, qui cherchent à faire verbaliser
par les élèves ce qu’ils font ou observent. Chez J., la consigne est formulée cinq minutes
après le début de l’activité, laquelle est fortement guidée à la fois par la construction du
milieu (objets préparés et présentés les uns après les autres par la maîtresse selon une
planification prévue à l’avance) et par les questions qui guident l’observation des élèves. On
pourrait dire que chez J., la manipulation sert l’observation guidée de l’objet technique, alors
que chez F. elle permet d’explorer par l’action les propriétés de l’eau.
Si l’on considère le contenu sémantique des consignes, on peut observer une opposition
nette entre les deux classes Freinet et la classe non-Freinet : chez S. et F., les consignes
verbalisent le but à atteindre, visent le résultat final de l’action (le déplacement de volumes
d’eau) qui sera effectivement atteint dans la séance. Chez J. la consigne donne également
un but (faire des ciseaux) qu’il faut prendre au pied de la lettre : le contenu d’apprentissage
visé est bien de construire des ciseaux, c’est-à-dire identifier un fonctionnement mécanique
(attache et pivot) et non de comprendre comment des ciseaux peuvent couper. Le contenu
de savoir est de nature technologique. On peut dire que ce but (construire des ciseaux) est
également atteint, sauf que les ciseaux construits ne peuvent pas couper…
Si l’on considère la forme verbale des énoncés, elle diffère également entre les deux écoles :
les énoncés des deux maîtresses Freinet sont clairement directifs, « on va mettre… » (S),
« Vous prenez…. et vous allez le renverser…. » (F), alors que J. atténue l’acte de parole
directif « on va essayer de faire… ». Le positionnement énonciatif des maîtresses est
inversement proportionnel au style de l’activité : actes de langage directifs vont de pair avec
une activité ouverte pour les élèves, actes de langage modalisés vont de pair avec une
activité décomposée en sous-activités et dirigée par la maîtresse.
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IUFM Nord-Pas de Calais